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Le journal d'Albert Marouani

Cours pour étudiants, Conférences "grand public" sur des sujets économiques d'actualité, Articles à caractère scientifique publiés dans des Revues ou présentées dans des colloques internationaux, Analyses économiques et politiques, Point de vue...

"Le Développement durable en Océanie : vers une éthique nouvelle ?" dans la collection "Espace et développement durable" aux Presses Universitaires de Provence (le 5 juin 2015).

Eléments de réflexion pour une approche systémique de la prévision des risques

environnementaux locaux: application au cas des efflorescences d’algues nuisibles en

Nouvelle-Calédonie

Albert Marouani1, Nathalie Hilmi2, Alain Safa3, Nicolas Pascal4,

Marie-Yasmine Dechraoui Bottein5, Michel Warnau5.

Résumé: La prévision des risques écotoxicologiques passe par une approche systémique et

critique de la notion de développement durable. En envisageant, pour la Nouvelle Calédonie,

un risque potentiel maximal d’augmentation des efflorescences algales nuisibles, nous

mettons en évidence l’articulation des risques écologiques, biologiques, sanitaires et

socioéconomiques (loisirs, tourisme, pêche, habitudes alimentaires, santé, culture et

structures politiques). Nous évoquons en conclusion la question de la gouvernance d’un

risque environnemental à partir de la notion de « bien public mondial » et de « rationalité

collective ».

Mots-clés : Algues toxiques, risques naturel et anthropique, développement durable, bien

public mondial, prévision, analyse systémique.

Abstract: The forecasting of ecotoxicologic risks is done through a systemic approach of

sustainable development. Hypothesising a maximum potential risk in increase of toxic algae

in New Caledonia, we demonstrate the interdependencies of ecological, biological, sanitary

and socio-economic risks (tourism, recreational activities, fishing, nutrition, health, culture

and political structures).

We conclude by bringing forth the question of governance of environmental risk through the

notion of "global public good" and "collective rationality".

Key words : toxic algae, natural and anthropic risks, sustainable development, Global public

good, collectiv rationality.

Le risque écotoxicologique n’est en général pas considéré comme un risque majeur à

l’échelle d’un pays, d’une région ou de la planète. Il a souvent tendance à être sous-estimé

par excès de confiance dans les capacités d’adaptation des populations et dans les progrès de

la médecine. Ce risque tend pourtant à augmenter, sous des formes de plus en plus

diversifiées, à l’échelle planétaire en raison de la pollution croissante, du réchauffement

climatique, de l’acidification des océans, mais aussi des conflits armés qui peuvent dégénérer

en guerres chimiques et bactériologiques.

En évoquant ici la métaphore de « l’effet papillon »6, nous pensons qu’un risque

environnemental, en apparence maîtrisé et circonscrit, pourrait devenir, au-delà d’un certain

seuil, difficilement prévisible, de son développement, l’élément déclencheur de réactions en

chaines, pouvant affecter de proche en proche l’ensemble des structures économiques et

sociales d’un pays et dégénérer en crise systémique majeure.

Dans un monde marqué par des fragilités et des instabilités locales et globales de tous ordres

(politiques, sociales, économiques et financières), une catastrophe environnementale peut

avoir des effets particulièrement dévastateurs sur le plan économique et humain. On assiste

par ailleurs à une « judiciarisation » croissante des causes et des conséquences de la

dégradation de l’environnement. La question de la prévision (anticipation et évaluation) des

risques naturels et anthropiques est posée, en termes de responsabilité morale et parfois

pénale, aux autorités politiques ainsi qu’à toute la communauté scientifique.7 Dans ce

contexte, les chercheurs, eux-mêmes confrontés à un risque juridique, pourraient être tentés,

pour « se couvrir », d’envisager dans leurs prévisions, les hypothèses les plus « extrêmes ».

Sans lien nécessaire avec le contexte juridique qui vient d’être évoqué, il nous semble, qu’en

matière de prévision et d’évaluation d’un risque environnemental local, il est souvent plus

intéressant scientifiquement d’envisager des « scénarii catastrophe ». L’intérêt est aussi

d’ordre pédagogique lorsque ces prévisions visent à sensibiliser des décideurs politiques et à

alimenter un large débat citoyen.8

Nous envisageons dans cet article un cas de figure dans lequel, la Nouvelle-Calédonie, déjà

menacée par de nombreux risques environnementaux9, pourrait être concernée beaucoup plus

gravement par l’amplification du développement des algues toxiques, et ce, à tel point que

ses habitants ne parviendraient plus à gérer cette situation par les moyens traditionnels.

S’agissant ici d’un risque connu et déjà présent, il nous paraît beaucoup plus intéressant

d’envisager son accélération et son développement extrême. Ce parti-pris théorique, et

pratique, présente aussi l’intérêt méthodologique de tendre vers une démarche systémique10

(en termes de développement durable), susceptible de prendre en compte la complexité des

effets combinés, multidimensionnels et pluridisciplinaires, d’une dégradation du milieu

naturel.

Avec une barrière de corail continue de plus de 1600 kms (deuxième plus grande au monde),

les lagons de Nouvelle Calédonie présentent une faune et flore d’une biodiversité

exceptionnelle à tous les niveaux de la chaine trophique. Les micro algues (ou phytoplancton)

constituent un élément fondamental de cet écosystème assurant la majeure partie de la

production primaire. Du fait de l’eutrophisation côtière grandissante, du changement

climatique et de problèmes connexes tels que l'acidification des océans, les efflorescences

algales nuisibles (HABs) pourraient augmenter en fréquence et intensité et dès lors auraient

un impact croissant sur l'environnement, menaçant les écosystèmes et leur biodiversité, la

santé humaine et les équilibres économiques et sociétaux.11 Notre objectif, dans le cadre de

cet article, est d’envisager ce risque potentiel « maximal » à la lumière d’une approche

systémique et critique du développement durable. D’autres études plus ponctuelles et plus

approfondies pourront procéder dans cette même perspective, à des mesures plus précises. On

évoquera en conclusion l’éclairage que pourraient apporter sur cette question les approches

en termes de « bien public mondial » appréhendées dans un contexte régional.

I.Problématique théorique et méthodologique: une mise en perspective critique et

systémique de la notion de développement durable.12

On représente généralement le développement durable à l’intersection des trois dimensions,

écologique, économique et sociale, selon le « Diagramme du développement durable »13

Ce schéma pose immédiatement la question de la compatibilité ou de la mise en cohérence

des différents objectifs propres à chacune de ces dimensions et à chacune des disciplines qui

les sous-tendent : par exemple, augmenter la production et les rendements dans la pêche,

l’agriculture ou les mines pour répondre aux besoins d’une population croissante, peut

contribuer à accroître la pollution et à réduire la biodiversité; mettre en oeuvre des énergies de

substitution non polluantes peut renchérir leur prix et accroître la charge qui pèse sur les plus

pauvres, etc. Comment hiérarchiser les différents objectifs? Qui va procéder aux arbitrages et

comment ?

La notion de développement durable souffre encore d’un déficit de conceptualisation et

d’outils analytiques de modélisation qui intègrent ces trois dimensions. De ce fait, elle

apparaît plus normative que scientifique : il est souvent plus facile d’identifier la non

durabilité que la durabilité (Bossell, 1999).

L’approche systémique pourrait contribuer à fournir un cadre analytique commun aux trois

perspectives disciplinaires (économique, sociologique et écologique) du développement

durable.

Il importe cependant, comme le suggère le rapport du « Groupe Balaton » sur les indicateurs

de développement durable, de commencer par examiner séparément chacun des trois

systèmes et de bien comprendre leur méthode d’analyse afin de mieux identifier les

indicateurs qui permettent de mieux articuler les différentes dimensions du développement

durable. (D.H. Meadows, 1998).14

A. Critique de l’analyse strictement économique du développement durable.

La théorie économique ne fixe pas de limite à la croissance de la production de biens et

services de toutes natures (y compris les biens environnementaux, les ressources naturelles

non renouvelables et toutes sortes de « biens publics »). La dégradation de la nature n’est

prise en compte que si elle induit des externalités négatives chiffrables en termes de coût ou

de diminution du bien-être. La théorie économique dominante, marquée par la croyance dans

le caractère spontanément auto-régulateur du marché, considère qu’elle est tout à fait en

mesure de traiter la nature comme un «capital naturel» (ce qui paraît tout à fait aberrant pour

les sciences environnementales), et sa dégradation, selon un principe de pure rationalité

économique, notamment à travers la théorie des biens publics et la théorie des incitations.

D’autres auteurs, rompant avec la vision libérale, ont préféré se situer plutôt dans une optique

de « social choice » pour faire des propositions « opérationnelles » de développement durable

susceptibles de préserver l’équité intergénérationnelle sans pour autant interrompre le

processus de croissance économique à l’instar du courant anti développementaliste qui se

situe dans la lignée des anciennes recommandations du club de Rome.15

Des nombreux débats sur cette question de « durabilité », on retiendra deux positions

tranchées.

La première position voudrait assigner à l’Etat un objectif politique reposant sur deux types

de règles de décision, l'une pour les énergies renouvelables et l'autre pour les ressources non

renouvelables. (Daly, Herman 1994 ; Perrings,1992). S’agissant des premières, la règle est de

limiter la consommation des ressources à des niveaux de rendement durable. Pour les

secondes il convient de réinvestir le produit de leur exploitation dans le « capital naturel »

renouvelable. La combinaison de ces deux règles permettrait de maintenir constant le stock

de « capital naturel ».

La deuxième position conforme à l’approche néo-classique considère qu’il n’y a aucune

raison, ni économique, ni éthique, de conserver le « capital naturel ». (Solow, RM, 1986;

Hartwick, J.M, 1977)

Selon la « règle de Hartwick », il est possible de maintenir la consommation constante ou

même l’augmenter dans le temps, à condition que les revenus tirés de l’exploitation des

ressources non renouvelables soient partiellement ou totalement réinvestis dans du capital

reproductible quelle que soit sa forme (Solow et Hartwick). C’est dans ce même esprit que le

rapport Wasmer (2012) préconise (à propos de l’épuisement du Nickel en Nouvelle

Calédonie d’ici une centaine d’année), de placer les profits, tirés de l’exploitation présente de

cette ressource non renouvelable, dans la constitution d’un fonds souverain (modèle de la

Norvège pris en exemple). Les placements de ce fonds permettraient d’alimenter, à travers le

temps, un flux de revenus constant pour l’économie néo-calédonienne. Il n’est donc pas

nécessaire dans cette perspective économiciste, d’entretenir le stock de « capital naturel ».

L'hypothèse implicite de l'approche de Solow et Hartwick est qu’il existe une parfaite

substituabilité entre le « capital naturel » et les autres formes de capital. Peu importe la

destruction du « capital naturel » dès lors que sa valeur économique est inférieure à celle du

capital financier nouvellement créé à partir de cette destruction. Le point de vue de Daly est à

l’opposé de cette vision néo-classique.16

Prenant conscience que l’application stricte de l’efficience économique de type néo-classique

peut conduire à des pertes irréversibles d’un patrimoine naturel (qui ne saurait se réduire à un

« capital » !) qui appartient à l’humanité toute entière (disparition de certaines espèces

animales et végétales), certains auteurs, pourtant d’obédience libérale, ont avancé l’idée

d’une «norme minimale de sécurité" (Ciriancy Wantrup, SV (1952), Toman, Michael A.

(1992) in R. Krishnan, et al. (1995)) afin de mieux protéger les ressources essentielles et

l’environnement. Selon le degré de gravité et d’irréversibilité des dommages écologiques, on

pourrait appliquer soit le point de vue néo-classique de l’efficience économique, soit le point

de vue normatif et moral d’une « norme de sécurité » écologique qui permettrait de réduire

l’impact destructeur des activités humaines sur le capital naturel. Reste en suspens la question

de savoir qui fixera ces « normes », selon quels critères et selon quelles procédures sociales et

politiques. Comment la société pourra-t-elle apprécier les actions humaines qui auront un

impact sur l’environnement ou le capital naturel dépassant le seuil « minimal de sécurité ».

Le recours aux « experts » (économistes, sociologues, ethnologues, biologistes, etc.) ne

garantit pas un consensus entre eux. On retombe ainsi sur les problèmes évoqués plus haut à

propos de la fixation d’un taux d’actualisation qui renvoie à la constitution au sein de chaque

société d’une échelle des valeurs sociales (ou sociétales) et morales (ou culturelles) qui lui est

propre. Notons au passage, qu’une réflexion sur ces questions pourrait aussi mobiliser la

théorie de la justice de Rawls (1987), la théorie des sentiments moraux d’Adam Smith, les

théories du « social choice » et du « décision making process ». (Cyert R et G. March, 1962)

La question du développement durable n’émergera véritablement comme un changement

radical de paradigme que si elle relève d’une démarche pluridisciplinaire où chaque discipline

interroge son propre objet de connaissance et ses méthodes à la lumière d’un dialogue

permanent avec les autres disciplines. Les économistes n’ont aucune légitimité particulière à

être les seuls à pouvoir définir les objectifs, les normes, les buts du développement durable.

Même sur la théorie des incitations économiques, qui est aussi au coeur de la problématique

du développement durable, ils doivent (ou ils devraient davantage) faire appel à des

psychologues, à des sociologues, à des anthropologues.

B. Les difficultés d’articulation de l’écologie à l’économie.

Contrairement aux économistes, dont les modèles ne donnent aucune borne supérieure à la

croissance économique, les spécialistes des sciences physiques et les écologistes sont

habitués à l'idée de limites à la croissance. Les systèmes naturels sont soumis aux lois de la

thermodynamique et la science de l'écologie des populations a exploré les implications de ces

lois pour les organismes vivants (cf. CS Holling (1994), AH Ehrlich, et PA. Matson (1986)).

Dans une perspective écologique, la durabilité doit comporter des limites sur la population et

les niveaux de consommation. Ces limites s'appliquent à tous les systèmes biologiques. Bien

que les humains puissent sembler leur échapper pour un temps, ils doivent accepter

finalement les limites d'une planète aux ressources limitées. Ils auraient déjà « consommé

40% de l'approvisionnement en énergie de base pour tous les animaux terrestres » (Paul

Ehrlich et al. 1986). Cependant, il faut aussi prendre en compte les capacités de régénération

et d’adaptation des milieux naturels comme des milieux humains. La diversité génétique,

notamment, donne lieu à la résilience des écosystèmes. La résilience est une capacité qui

permet à un système de répondre à des perturbations ou à des dommages. Par exemple, un

écosystème marin peut se remettre d'une infestation due à la prolifération d’algues toxiques

par une augmentation de la population de prédateurs qui contrôlent l'organisme nuisible.

L’exemple de la taxifolia caulerpa qui a été invasive en Méditerranée et qui a aujourd’hui

tendance à régresser pour des raisons encore inexpliquées donne à réfléchir sur un mécanisme

du même ordre concernant les algues toxiques en Nouvelle Calédonie.

Les schémas de réponse peuvent varier d’un écosystème à l’autre et pour un même

écosystème en fonction de son propre environnement. Mais il n’en reste pas moins vrai que la

clé de la résilience est l'existence d'une grande variété d'espèces, en interaction les unes avec

les autres. Certes, il existe aussi un degré de résilience intrinsèque qui diffère selon les

espèces, mais, malgré tout, et à condition que les espèces protégées aient une bonne

résilience, maintenir un vaste réservoir de formes génétiques augmente la possibilité de

s'adapter à des conditions changeantes et à des traumatismes profonds. De ce point de vue, le

risque lié aux algues toxiques doit être apprécié au regard des autres risques écologiques

(réchauffement climatique et surexploitation minière notamment) qui conduisent à réduire

considérablement la biodiversité de l’écosystème néocalédonien.

Ainsi pour l'écologiste, la durabilité devrait être définie en termes de maintien de la résilience

des écosystèmes.

Cette vision de la durabilité est nettement différente de celle des économistes qui repose sur

la consommation et qui est reprise par la Commission mondiale sur l'environnement et le

développement.

Perrings et Common (1992) ont montré que la «Solow-durabilité», dérivée du modèle

économique d’une consommation stable ou en augmentation, et la "Holling-durabilité»,

fondée sur la résilience des écosystèmes sont largement disjoints. Cela implique-t-il pour

autant un divorce irrémédiable entre l'efficacité économique et la durabilité écologique ?

L’émergence de maladies de plus en plus résistantes aux antibiotiques, la disparition

grandissante des espèces animales et végétales, la multiplication des catastrophes

écologiques, les menaces liées au réchauffement climatique laisseraient à penser que les deux

approches sont irréconciliables et que l’économique est en train de gagner la partie au

détriment de l’écologique. Tout porte à croire que la croissance démographique dans les

zones les plus pauvres de la planète associée à la croissance économique dans la plupart des

pays de la planète à travers les processus de globalisation et de mondialisation, va dans le

sens d’une réduction de la diversité fonctionnelle et d’une homogénéisation croissante qui

rendra les écosystèmes de moins en moins capables de résilience.

Comment orienter nos besoins et notre croissance économique vers la préservation de

l'intégrité des écosystèmes et de la diversité des espèces sans une collaboration étroite des

économistes avec les biologistes et les écologistes ?

Comment mettre au coeur des préoccupations économiques et politiques les questions

environnementales dans un contexte de pauvreté et d’inégalités économiques ?

De toute évidence, l'intégration si nécessaire de l'économie et de l'écologie ne peut être

réalisée sans le social, qui est la troisième dimension de la triade du développement durable.

C. La vision limitée du social par l’économie.

La grande majorité des économistes convient aujourd’hui que les marchés libres, non

réglementés et livrés à eux-mêmes peuvent conduire aux pires catastrophes du point de vue

écologique et qu’il est nécessaire de passer par l’intégration de la dimension sociale pour

tenter de réconcilier l’économique et l’écologique. Il ne s’agit pas ici d’une relation

symétrique entre l’économie et chacune des autres sciences humaines et sociales, mais d’une

intégration unilatérale des phénomènes sociaux par la théorie économique. Dans le contexte

d’une discipline souvent marquée, notamment en France, par la prééminence de la

modélisation mathématique, cette « ouverture » bien que limitée, n’en est pas moins un

premier pas vers des approches pluridisciplinaires et marque une sorte de « retour » à

l’économie politique à ses débuts. Les classiques de Smith à Ricardo en passant par Malthus,

Marx, Sismondi, les physiocrates et bien d’autres ont toujours été préoccupés par la question

des inégalités (et indirectement de l’équité) à travers l’articulation de la répartition des

revenus (relation salaire, profit, rente) et de la production (accumulation du capital,

croissance). La question d’un développement humain durable (et non celle de la

maximisation des richesses) pourrait ainsi renouer avec cette tradition. Aujourd’hui la

dimension « sociale » du développement durable perçue par les économistes repose

largement sur le concept (et l’indice) de développement humain forgé par le programme des

Nations Unies pour le développement (PNUD), (cf. Anand, Sudhir et A. K. Sen 1996).

L’accent a été mis d’abord sur la satisfaction des besoins essentiels et on a rajouté par la suite

des notions telles que la gouvernance démocratique (1993), l'inégalité entre les sexes (1995),

la pauvreté (1997) et plus récemment la corruption. L'indice de développement humain

(IDH), compris entre 0 et 1 combine l'espérance de vie, l'alphabétisation des adultes et le taux

de scolarisation avec le PIB par habitant. On a ainsi pu montrer le caractère

multidimensionnel du développement et surtout remettre en question la suprématie de

l’indicateur du PIB par tête pour mesurer le bien-être. La hausse du PIB ne signifie plus

nécessairement davantage de bien-être global (cf. F. Ackerman et al. eds. 1997)). Mais pour

autant cet indicateur ne prend pas encore en compte la qualité de l’environnement, même si le

rapport sur le développement humain de 1994 a abordé la relation entre développement

durable et équité en montrant notamment que l'équité intergénérationnelle était indissociable

de l’équité intra générationnelle et que toute stratégie de développement durable devait agir

sur les habitudes de consommation. Le Rapport de 1997 montre ainsi que de nombreuses

causes de dégradation de la situation des pauvres sont liées à la dégradation de

l’environnement. On a souvent souligné aussi que le lien de causalité fonctionne dans les

deux sens et que l’augmentation de la pauvreté et la perte des moyens de subsistance en

milieu rural accélèrent la dégradation de l'environnement (pression sur les forêts, la pêche, et

les terres marginales).

D’autres auteurs, sociologues, anthropologues et économistes notamment, ont remis en cause

plus radicalement la notion de modernité, identifiée à l’occidentalisation, imposée au mépris

de leur culture à tous les peuples de la planète pour les contraindre à une croissance

économique et à un développement qui détruit leur environnement naturel en même temps

que leur modèle social et leurs valeurs culturelles.

Sans aller jusqu’à remettre en cause les vertus du marché et les bienfaits de la mondialisation,

le PNUD insiste plutôt sur des questions telles que l’équilibre entre la création de richesse et

la répartition des richesses, l'importance du capital social, le rôle de l'État, des collectivités

locales et des organisations non gouvernementales en matière de développement. C’est ainsi

que l’on souligne dans ces travaux que la démocratie participative, la décentralisation, et le

capital social représenté par une forte organisation locale, sont compatibles avec un

développement économique, toujours mesuré par le PIB par habitant.

De son côté, la Banque mondiale a développé des recherches sur le développement durable et

a proposé notamment de mesurer le taux véritable d’épargne en prenant en compte

l'épuisement des ressources naturelles et les dommages causés par la pollution. (cf. Banque

mondiale (1997). Stiglitz, J. (1997) et (1998)).

Cette attention nouvelle à une combinaison de facteurs sociaux et environnementaux

témoigne d’une inflexion notable, voire d’une critique véhémente (J. Stiglitz) des politiques

traditionnelles de développement issues du fameux «consensus de Washington».17 La critique

du modèle néolibéral et des imperfections congénitales du marché (asymétries d’information,

aléa de moralité, sélection adverse…) passe par une prise de conscience de l'importance des

institutions sociales et des normes dans la performance du marché. Ceci justifie l'action

sociale et gouvernementale et renoue avec le point de vue originel d’une théorie normative du

développement en incluant désormais une référence forte aux questions environnementales et

sociales qui étaient jusqu’à présent superbement ignorées. On peut donc de ce point de vue

être relativement optimiste sur l’émergence progressive d’un véritable paradigme nouveau du

développement durable prenant en compte et combinant, dans une approche systémique

globale, l'économique, l’écologique et le social ouvrant des perspectives nouvelles à la

recherche interdisciplinaire.

II. Application empirique: Analyse prévisionnelle du risque systémique que représentent

les efflorescences d’algues nuisibles en Nouvelle Calédonie

Le concept de développement durable analysé ci-dessus nous permet, d’analyser ce risque

écotoxicologique d’un point de vue systémique et interdisciplinaire, à la croisée des sciences

biologiques et écologiques et des sciences sociales au sens large (incluant l’économie).

A. Le risque écologique.

Malgré la nature hostile des sols des maquis miniers, riches en métaux toxiques comme le

nickel, le chrome et le cobalt, la Nouvelle-Calédonie représente un patrimoine faunistique et

floristique important de biodiversité marine et terrestre à caractère mondial.18 Ce patrimoine

est aujourd’hui de plus en plus menacé. par la dégradation des habitats, les espèces

envahissantes, le changement climatique, la pollution, l’hypersédimentation dans les milieux

lagonaires, la surexploitation des ressources…19

Plusieurs centaines de milliers d’espèces de micro algues et de cyanobactéries sont

répertoriées dans le monde parmi lesquelles quelques milliers sont capables de produire de

puissantes toxines, et peuvent, quelle que soit leur densité cellulaire, avoir un effet néfaste sur

les écosystèmes, par consommation, contact ou respiration de ces toxines. Par ailleurs, sous

certaines conditions environnementales, les micro algues, toxiques ou non toxiques, peuvent

proliférer de façon massive et atteindre des densités cellulaires de l’ordre du million de

cellules par litre. Ces phénomènes naturels sont généralement traduits par une décoloration de

la mer (communément appelée « marée rouge »), l’apparition de zones anoxiques et une

détérioration des habitats. Les efflorescences d’algues nuisibles sont couramment

responsables de périodes de fermeture de la pêche, de mortalité de poissons, mammifères

marins ou oiseaux et en conséquence, ont un impact sur les économies locales et la qualité de

vie des populations (Van Dolah, 2005, Bottein et al, 2011). (Marre J-B et N. Pascal, 2012).

Les ciguatoxines sont bio accumulées le long de la chaîne trophique alors que les algues sont

consommées par les poissons herbivores, eux-mêmes consommés par les poissons carnivores

et, au final, par les hommes (Randall, 1958; Bagnis, 1980). Un seul poisson peut ainsi

accumuler des quantités de toxines suffisantes pour intoxiquer plusieurs adultes humains,

sans que pour autant ces derniers présentent des signes d’intoxication. Des expériences en

laboratoire ont cependant montré que les ciguatoxines pouvaient aussi avoir un effet létal

chez les poissons d’eaux douces et marins (Lewis 1992, Capra et al, 1988, Bottein M-Y Pers.

Com.), et représentaient une menace potentielle sur la reproduction des poissons par transfert

et accumulation dans les oeufs de poissons et effet délétère sur le développement des

embryons (Colman et al, 2004).

La production de toxines et de biomasse associées aux efflorescences de Trichodesmium

représente une menace bien réelle pour les écosystèmes de Nouvelle Calédonie, affectant

aussi la survie des récifs coralliens. La réduction de pénétration de la lumière, l’étouffement

du benthos, les sédimentations et l’eutrophisation résultant des fortes densités de cellules

peuvent avoir un impact direct sur la survie des coraux (Endean, 1976). De plus des

observations dans les Caraïbes ont mis en évidence un impact négatif des efflorescences de

Trichodesmumium sur le zooplancton et les communautés de crevettes (Hawser et alii, 1992;

Guo and Tester, 1994; Preston et alii, 1988), et les huîtres (Hawser et al. 1992; Preston et al.

1998). En Nouvelle Calédonie de telles efflorescences sont occasionnellement observées dans

les bassins d’aquaculture de crevettes, où elles sont suspectées d’impacter négativement le

développement et la survie des larves de crevettes, et d’être responsables de mortalités

saisonnières massives, comme en 2001, par effet direct ou croissance concomitante de

bactéries pathogènes (IRD, http://www.com.univ-mrs.fr/IRD/urcyano/identite/trophiq.htm).

Kerbrat et al, (2011) ont observé que les colonies de Trichodesmium constituent un habitat

pour de nombreuses espèces de petits organismes marins, source de nourriture pour des

espèces d’invertébrés tels que les copépodes pélagiques Macrosetella gracilis et Miracia

efferata, tous deux tolérants aux toxines. A partir de la les toxines de cyanobactéries

pourraient ainsi être transférées le long de la chaine trophique du lagon via les mulets, connus

pour brouter sur les Trichodesmium.

(Kerbrat et al, 2011)

Des études récentes suggèrent que l’eutrophisation des milieux et les changements

climatiques sont deux processus qui pourraient accentuer la prolifération et l’expansion des

cyanobactéries et micro algues nuisibles (Fue et al, 2012). Inversement, de par leur sensibilité

aux conditions environnementales, ces phytoplanctons pourraient servir potentiellement

d’indicateurs des changements environnementaux et globaux résultant du réchauffement

climatique, de l’acidification des océans et de l’eutrophication.

Pourtant, le milieu récifal, bien que menacé, reste aujourd’hui encore assez bien conservé.20

L’objectif est de le transmettre en l’état aux générations futures. L’inscription auprès de

l’UNESCO (depuis 2008) des lagons calédoniens au patrimoine mondial de l’humanité ne

constitue certes pas en soi une protection contre la prolifération d’algues toxiques mais

permettra sans doute de mieux justifier (sinon d’en mutualiser le financement) le coût des

mesures qui pourraient être prises pour en limiter l’impact sur le développement durable de

l’île.

B. Le risque biologique et sanitaire.

La Nouvelle-Calédonie a une longue histoire d’intoxication par consommation des produits

de la mer d’origine phytoplanctonique. Les premiers rapports de ce qui est maintenant connu

sous le nom de ciguatera (ou plus communément « gratte » en Nouvelle Calédonie) datent du

deuxième voyage du navigateur explorateur James Cook (1774), et les premières études

scientifiques remontent aux années 70 par le docteur Raymond Bagnis (Bagnis, 1968 1971)21.

Des pratiques culturelles et sociales se sont développées localement au cours du temps en

réponse à ces menaces naturelles. Il existe ainsi une médecine traditionnelle à base de plantes

(Kumar-Roine et al. 2009; Kumar-Roine et al. 2011) et de bonnes connaissances empiriques

des espèces de poissons et des zones géographiques à risque qui peuvent conduire à une

minimisation de ce risque.22 Cependant, il nous semble que les efflorescences algales

nuisibles demeurent une menace globale (environnementale, économique et de santé

humaine) grandissante compte tenu des dégradations continues des environnements côtiers et

des changements écologiques planétaires (réchauffement et acidification des océans).

En nouvelle Calédonie les espèces nuisibles de micro algues comprennent principalement les

dinoflagellés toxiques du genre Gambierdiscus et Ostreopsis et de cyanobactéries du genre

Trichodesmium.

Gambierdiscus est une micro algue benthique qui pousse généralement en eaux peu

profondes (Litaker et al, 2010) à des températures comprises entre 21°C et 31°C, à une haute

salinité et luminosité. Elle a été identifiée comme la source primaire des ciguatoxines

(CTXs), des toxines considérées comme les agents principaux de la ciguatera (Lewis and

Holmes, 1993; Murata et al, 1989). Gambierdiscus est aussi capable de produire une autre

toxine, la maitotoxine (MTX), mais son rôle dans la ciguatera est peu probable compte tenu

de son faible niveau d’absorption orale (Lewis, 2006). Le dinoflagelle du genre Ostreopsis,

est aussi une micro algue benthique suspectée d’être impliquée dans la ciguatera, a été

identifié en Nouvelle Calédonie (Fukuyo, 1981). Il est communément trouvé sur le

smacrophytes et substrats durs (rocher, sable, coquilles de mollusques), et dans la colonne

d’eau (Parsons et al. 2012; Parsons and Preskitt 2007). Ostreopsis produit un éventail de

toxines analogues aux palytoxines PTX dont le transfert dans la chaîne trophique des lagons

calédoniens demande à être évalué. Les blooms de Trichodesmium spp (T. erythraeum et

dans une moindre mesure T. thiebautii), cyanobactéries diasotrophes (Kerbrat et al, 2011)

sont fréquemment observés autour et dans les lagons. Toxiques, ces micro algues produisent

de la palytoxine et son homologue 42-hydroxy-palytoxine. Une autre cyanobactérie,

Hydrocoleum lyngbyaceum, proche phylogénétiquement de Trichodesmium produit de

l’homoanatoxine-a, un dérivé de l’anatoxine-a produite par Ostreopsis, (Méjean et alii, 2010).

La ciguatera est l’intoxication non bactérienne par produit de la mer la plus fréquente dans le

monde, avec 50.000 cas estimés globalement par an, et reste ainsi un important problème de

santé publique difficile à gérer, en particulier dans les petites îles en développement du

Pacifique. Cette maladie est caractérisée par des symptômes gastro-intestinaux,

neurologiques, et dans une moindre mesure, cardiovasculaires. Les symptômes aigus gastrointestinaux

de vomissement et de douleur abdominale apparaissent généralement dans les 6h

après injection d’un poisson toxique et ne durent que quelques jours (Bagnis et alii, 1979;

Bagnis, 1979 ; Gillespie et alii, 1986). Les symptômes neurologiques se développent plus

lentement, deux à cinq jours après le repas toxique (Allsop et alii, 1986), et évoluent dans les

cas les plus sévères en syndrome de fatigue chronique, et la dépression. Les traitement de la

ciguatéra restent à visée symptomatique (Blythe et al. 2001; Friedman et al. 2008; Palafox et

al. 1988), cependant leur action reste limitée compte tenu de la difficulté du diagnostic de la

maladie, qui est uniquement basé sur les signes cliniques typiques de la ciguatéra associés à

une consommation récente de poisson. Des biomaqueurs d’exposition à la maladie mis en

évidence sur modèle animal de laboratoire (Bottein et al. 2011) n’ont pas encore été

appliqués à l’homme.

En Nouvelle-Calédonie, la ciguatera avait une prévalence de 25% chez la population adulte

(ORSTOM, 1992) alors qu’elle a été estimée à 37.8% en 2010, avec une distribution variant

avec la population (Baumann et al. 2010). Les natifs et les personnes ayant vécu en Nouvelle

Calédonie plus de 11 ans semblent plus touchés, probablement parce qu’ils pratiquent une

pêche de subsistance et qu’ils en consomment davantage, accumulant ainsi des toxines dans

leurs organismes (Baumann, 2010). Cette étude révèle que les espèces impliquées dans des

cas de ciguatera sont principalement des mérous (48.4%), des empereurs (14.3%), des

thazards (12.4%) et des poissons perroquets (6.8%). Il est curieux de constater qu’à ce jour le

terme « ciguatera » n’est toujours pas explicitement mentionné dans la législation sanitaire de

Nouvelle Calédonie (Clua et al, 2011).

Des intoxications ressemblant à la ciguatéra ont par ailleurs été associées à la consommation

de bénitiers contaminés par des composés similaires aux molécules ciguatoxines, mais

produits par la micro algue

T. erythraeum appartenant au phylum des cyanobactéries.(Kerbrat

et al. 2010). Ces même composés avaient été identifiés en Australie dans des extraits de

maquereaux incriminés dans des cas d’intoxications semblables a la ciguatéra (Endean et al.

1993a; Endean et al. 1993b; Endean et al. 1993c; Hahn et al. 1992). Les composés chimiques

ont été isolés à partir de T. erythraeum et T. thiebautii, et identifiés comme étant une

palytoxine et son dérivé 42-hydroxypalytoxine (PLTXs) (Kerbrat et al, 2011). D’autres

cyanobactéries à l’origine d’intoxications humaines, Hormothonium lyngbyaceous,

Oscillatoria, et Phormidium ont été identifiées dans les lagons de Nouvelle Calédonie

(Laurent et alii, 2008).

En conclusion, les efflorescences de Trichodesmumium représentent non seulement une

nuisance esthétique par leur forte biomasse mais aussi un danger pour la santé des personnes

contaminées au cours des baignades ou de la consommation de coquillages ou de poissons

par les toxines qu’elles produisent (Kerbrat et al, 2011).

C. Le risque socio-économique.

D’une manière générale, les efflorescences de micro-algues productrices de toxines peuvent

avoir des impacts socio-économiques importants (Hoagland et al., 2002 ; Hoagland et

Scatasta, 2006), soit en rendant des espèces cultivées et/ou péchées impropres à la

consommation, soit en perturbant l’équilibre des populations naturelles ou cultivées, en

provoquant par exemple des mortalités ou des déficits de recrutement.

Pour bien appréhender l’évaluation de ce risque, il nous faut distinguer d’une part la

dimension structurelle macroéconomique de la Nouvelle Calédonie et d’autre part les

enchaînements sectoriels à caractère systémique.

1) Analyse de l’impact structurel sur l’économie néo-calédonienne23.

Celle-ci se présente au premier abord comme une économie développée du point de vue du

PIB par tête, des infrastructures de transport, de santé, d’éducation et de communication, du

modèle de consommation comparable à celui des pays les plus développés, du système de

gouvernance politique fondé sur la démocratie et l’Etat de droit, mais avec des spécificités

résultant de son rattachement à la France et de l’accord de Nouméa. Le secteur du tourisme

lui-même présente (du moins à Nouméa et dans quelques villes) toutes les caractéristiques du

tourisme des économies développées et les services administratifs du secteur public n’ont rien

à envier à ceux de la métropole française à laquelle est rattachée la Nouvelle Calédonie. Bref

l’économie néo-calédonienne aurait, en apparence, toutes les caractéristiques économiques

d’un département français développé, si ce n’était son éloignement par rapport à la

Métropole. (Gay. J-C, 2008)

Mais à y regarder de plus près et dès lors que l’on considère cette île comme une entité en soi,

on y trouve toutes les caractéristiques d’une économie en développement, voire

« émergente » tels que : i) le dualisme entre un secteur capitalistique développé et des

structures de production traditionnelles de chasse, de pêche et de cueillette; ii) un dualisme

culturel et ethnique; iii) un dualisme du marché du travail; iv) un dualisme ville campagne

très fortement marqué; v) des inégalités de revenus très fortes; vi) un poids important du

secteur primaire et des services et la faiblesse du secteur industriel; vii) une monnaie

dépendante avec un régime de change d’ancrage nominal par rapport à l’Euro (Huart F. et G.

Lagadec 2012); viii) des recettes en devises fluctuantes car fortement dépendantes de

l’exportation d’une seule matière première (le nickel); ix) etc.

L’économie néo-calédonienne est donc bien en réalité une économie en développement

dépendante, de type « primaire extravertie », exportant du Nickel et important tous les

produits manufacturés, y compris les biens alimentaires de base. Il n’y a quasiment aucune

industrie de substitution d’importation ni dans l’agro-alimentaire, ni dans les activités

artisanales, et quasiment aucune industrie d’exportation de produits manufacturés. De fait

lorsqu’on analyse le système productif calédonien en termes de filières, et non pas de

secteurs, le poids des activités liées à l’extraction du Nickel apparaît écrasant.

L’économie néo-calédonienne pourrait être aussi définie comme une économie rentière

originale cumulant une rente générée par l’exploitation du Nickel et une rente d’origine

publique alimentée par les flux de revenus venant de la Métropole. (Lagadec G. et E.

Farvaque., 2012), (Lagadec G. et C. Ris 2011). Les phénomènes bien connus de « rent

seeking » s’appliquent ici de manière particulière car ils ne conduisent pas à une

hyperthrophie très marquée de structures étatiques bureaucratiques qui génèrent une

corruption massive et qui sont le relais habituel dans d’autres économies rentières pour capter

cette rente. La forte présence de la tutelle de la France conduit plutôt à des phénomènes de

captation de la rente par le biais du lobbying ou de la revendication politique qui peut en

certaines circonstances prendre des formes violentes.

Le cycle de reproduction et d’accumulation du système productif néo-calédonien, dépendant

à la fois de l’exploitation d’une rente minière, d’un secteur public fort, alimenté par la

métropole française et d’un secteur du bâtiment, dont la dynamique de croissance est lié à la

défiscalisation, n’est pas impacté directement, ou en tout état de cause très faiblement à court

terme par les activités de la pêche, du tourisme et de la santé, qui à première vue, seront les

plus touchés par le développement des algues toxiques. Ce dernier aura très peu d’effets aussi

bien du côté de l’exploitation du Nickel qui ne sera pas directement impactée, que du côté des

transferts publics issus de la métropole qui pourraient éventuellement croître davantage en

fonction de l’ampleur des problèmes sanitaires qui pourraient apparaître. C’est bien, selon

nous, ce qui explique aussi le faible intérêt porté par les pouvoirs publics aux risques liés aux

algues toxiques.

En revanche, les impacts sectoriels pourraient conduire à des enchaînements à caractère

systémique (d’ordre économique, social, politique, écologique et culturel), générateurs de

déséquilibres et de cassures sérieuses, notamment si l’invasion algale revêtait un caractère

massif ou perçu comme tel par les populations concernées.

2) Les impacts socio-économiques sectoriels des algues toxiques.

Dans le cas hypothétique « extrême » dans lequel nous nous situons, le développement des

algues toxiques pourrait avoir des répercussions économiques à différents niveaux (Hoagland

and Scatasta, 2006). Celles-ci peuvent être essentiellement répartis sur trois secteurs ou

filières : le tourisme, la pêche et la santé, qui, en se combinant à des facteurs socio-culturels,

produiront des effets systémiques.

a) L’impact sur les aires marines de loisirs et les activités touristiques.

Le tourisme et les activités marines connexes seront bien évidemment impactés négativement

par le développement des algues toxiques (Lewis, 1992), (Hoagland et al., 2002). La valeur

ajoutée de la pêche récréative peut se trouver affectée indirectement par les algues toxiques

par une perception négative liée à l’usage (esthétique, image de contamination, etc.). Le

recensement de la flottille de plaisance avec activité de pêche a identifié plus de 6.000

bateaux actifs (au moins une sortie par an) (Jollit et al., 2010) reflétant ainsi l’importance de

cette activité, souvent peu prise en compte. Le total de la valeur ajoutée24 pour la filière

nautique de plaisance, reliée à la pêche de loisir, est compris entre 2.300 et 3.200 Millions de

F CFP environ en 2008 (Pascal, 2010).

La prolifération des algues toxiques provoquera la diminution de la qualité de

l'environnement côtier (plage, paysage) et de la sécurité de baignade. Ainsi deux principaux

impacts potentiels peuvent être identifiés. Un premier sur les usages touristiques reliés aux

récifs et aux habitats marins et un deuxième sur le tourisme balnéaire relié à l’usage des

plages.

En Nouvelle-Calédonie, les usages touristiques reliés aux récifs sont multiples :

(i) le tourisme sous-marin (plongée, randonnée sous-marines, chasse, photo)

(ii) le tourisme nautique (bateaux taxis, location d’embarcations, observation de baleines, etc.) et

(iii) le nautisme de plaisance.

Pour les touristes sous-marins, à titre d’illustration, nous citerons les principaux attributs environnementaux identifiés (Laurans et al., 2013):

(i) la présence, le nombre et la taille d’espèces emblématiques,

(ii) la couverture en corail vivant,

(iii) la transparence de l’eau,

(iv) la diversité des espèces.

Même si à ces attributs se rajoutent à d’autres phénomènes non environnementaux comme la fréquentation des sites et le prix des prestations et même si certaines études (Arin and Kramer, 2002; Wielgus et al., 2002)

montrent la difficulté de situer l’importance des attributs environnementaux les uns par

rapport aux autres, les algues toxiques auront potentiellement un impact direct sur la

satisfaction des plongeurs et des usagers du tourisme nautique (estimés à 20 000 et 110 000

respectivement en 2008). Ainsi, une partie de la valeur ajoutée générée par ces usages (entre

900 et 1100 M FCFP en 2008) serait potentiellement affectée. Il est important de noter que

cet impact se retrouve aussi bien pour les visiteurs non-résidents que pour les résidents

(estimés à 45 000 ménages usagers des récifs).

Le tourisme, encore relativement peu développé en Nouvelle-Calédonie, si on le compare aux

destinations voisines des Fidji ou de Polynésie, est cependant identifié comme une des filières

qui a un fort potentiel de croissance. Gay J-C 2009), (ISEE, 2009b). En moyenne, 100.000

touristes arrivent sur la Nouvelle-Calédonie par voie aérienne et 180.000 par croisière (ISEE,

2008). Les recettes totales générées localement en Nouvelle-Calédonie par l’activité des

touristes non résidents sont estimées à 18,2 milliards de FCFP (ISEE 2008).

La Nouvelle-Calédonie appartient à deux familles touristiques distinctes: celle des «Archipels

paradisiaques» (destinations insulaires exotiques), et celle des «Grandes Terres» (îles

continents). La qualité des plages, des eaux de baignade et la beauté des paysages sont

essentielles au positionnement touristique de la Nouvelle Calédonie (CCI, 2009). La

présence d'algues toxiques dans le lagon, notamment si elle était amplifiée par une sur

médiatisation, aurait certainement un impact sur la fréquentation touristique. Si celle-ci

s’effondre ou décroît fortement, c’est toute la filière qui sera dégradée, avec un impact négatif

sur les hôtels, les restaurants et toutes les autres activités de loisirs. Ces retombées

économiques seront plus importantes dans les provinces fortement dépendantes des activités

marines (Morgan et al., 2010). Il est estimé que plus de 1500 emplois dépendent de ce

secteur.

Malgré tout, compte-tenu du faible poids économique que représente aujourd’hui le tourisme

dans le PIB de la Nouvelle Calédonie, l’impact des algues toxiques sur l’économie globale

sera limité à court terme. Néanmoins si le tourisme venait à s’effondrer totalement et si cette

île devenait peu attrayante pour les expatriés métropolitains, il pourrait en résulter un effet

systémique à travers la dégradation de l’image paradisiaque de l’île une chute des prix de

l’immobilier qui est la troisième activité économique principale de la Nouvelle Calédonie.

b) L’impact sur la pêche et les habitudes alimentaires.

Une augmentation en fréquence et en intensité des efflorescences algales nuisibles pourrait

avoir des impacts négatifs (directement ou par l'intermédiaire des réseaux trophiques) sur la

consommation, la subsistance et la vente de fruits de la mer, ainsi que sur les activités de la

pêche et de l'aquaculture (HARRNESS, 2005).

Si les poissons sont empoisonnés par des algues toxiques (Ahmed, 1991), les préférences de

consommation de protéines vont changer. Par conséquent, la consommation de protéines

alternatives, notamment les viandes importées, va augmenter. Cela impliquera une perte

directe de la valeur des biens et services marchands marins et une baisse de la consommation

de fruits de mer (Rongo, T. and Robert van Woesik, 2012). On pourrait assister également à

un report de la pêche vers d’autres espèces de poissons, exempts ou peu sensibles à la

ciguatéra (tels que les vivaneaux vivant en eaux profondes ou les grands pélagiques). La

Nouvelle Calédonie pourrait aussi devenir importatrice de poissons surgelés avec les

conséquences que l’on devine en termes de balance commerciale et d’exclusion des

consommateurs aux revenus modestes.

Du fait de la prolifération des algues toxiques, la diminution des ressources exploitables

diminuera les ventes de poisson sur les marchés locaux (Bagnis et al., 1992).

En 2008 , la pêche récifo-lagonaire a représenté 1000 à 1300 t /an (2008) pour une valeur

ajoutée estimée à 2 500 M FCFP (Pascal, 2010). La pêche commerciale professionnelle se

caractérise par une flotte déclarée de 243 navires armés pour la pêche récifo-lagonaire mais

comprend aussi, très minoritairement (de manière officielle) des pêcheurs à pied. 800 à 1000

emplois directs sont liés à cette activité (SMMPM, 2007; Virly, 2002).

Toutes les captures récifo-lagonaires par la flotte commerciale sont distribuées sur le marché

local sauf les trocas (Trochus niloticus) et les bêches de mer (holothuries) qui sont en majeure

partie exportés. Il est estimé que 90% environ de la production commerciale de poissons est

écoulée sur Nouméa aux consommateurs finaux à travers le marché et les ventes aux GMS

(Virly, 2002).(Marty et al., 2005)

De plus, les algues toxiques vont changer les caractéristiques sociales, culturelles et

traditionnelles d'un mode de vie basé sur la pêche de subsistance. Cela aura essentiellement

un impact sur certaines communautés côtières dépendantes de la ressource marine.

En milieu Mélanésien, les populations rurales peuvent être dépendantes de la ressource

terrestre et marine et fonctionnent souvent sous un mode d’économie de subsistance et

communautaire (Gillett and Lightfoot 2001). La population mélanésienne de Nouvelle-

Calédonie présente de son côté des spécificités propres à son développement et est en

transition entre une économie de subsistance et une économie marchande (Tjibaou, 1981).

Les contours entre pêche de subsistance et pêche de loisir deviennent alors diffus25.

Cependant cette activité reste importante, comme en témoignent les indicateurs chiffrés

suivants. Les calculs donnent une consommation vivrière comprise entre 2.300 et 3.300 t/an.

(équivalent à 12 a 30kg/capita/an) et une valeur ajoutée de 2 700 M FCFP (Pascal, 2010).

Dans certaines communes rurales, les captures peuvent représenter entre 5 et 11% du revenu

monétaire total des ménages (ISEE, 2009a).

Les spécificités de cette activité sont importantes:

(i) il s’agit d’une activité difficilement

substituable (faible investissement initial, peu de formation nécessaire),

(ii) elle constitue une source de revenus et d’aliments pour les femmes en tribu (Mermoud, 1997). Le maintien de

la présence des femmes en tribu peut être considéré comme un facteur de cohésion sociale

(Tennant S. 1998) car la pêche représente une source alimentaire stable face à l’incertitude du

futur. De même, les pêches collectives à caractère coutumier et les captures de pêche qui y

sont associées ne sont pas négligeables pour certaines tribus (Bensa and Freyss, 1994) .

Comme la prolifération des algues toxiques aura aussi une incidence sur l'eau douce et

l'aquaculture marine (Shumway, 1990), il en découlera des pertes pour les entreprises

aquacoles et d’importants dommages économiques (HARNESS, 2005), d’où la nécessité

d’une bonne gestion des ressources marines et halieutiques, notamment s’agissant des

crevettes.

La Nouvelle Calédonie dans son ensemble, n’est pas dépendante de sa pêche locale du point

de vue de son alimentation. En revanche, les populations Kanaks et autres communautés

mélanésiennes et polynésiennes qui vivent davantage de la pêche, et qui semblent

aujourd’hui, dans les zones riches en ciguatoxine, s’accommoder de cette situation,

pourraient, en cas de prolifération massive en être plus fortement et plus durablement

affectées sur les plans économique, social et culrurel. Par ailleurs, dans un contexte politique

tendu et incertain, l’augmentation de la pauvreté de ces populations, pourrait se traduire par

des troubles politiques qui pourraient être partiellement surmontés par un accroissement des

subsides, en provenance de l’Etat français, qui joue encore le rôle d’État providence vis-à-vis

de la Nouvelle Calédonie. On perçoit bien ici l’effet systémique d’un impact sectoriel.

c) L’impact sur le secteur de la santé.

Comme il a été vu ci-dessus les algues toxiques provoquent des maladies et accroissent la

mortalité (Backer et al., 2003). Elles rendent les poissons et les coquillages impropres à la

consommation, elles irritent le système respiratoire de l'homme, provoquent des irritations

nasales et oculaires, des éruptions cutanées et polluent l'eau potable (USCOP, 2004).

Ces conséquences néfastes sur la santé des consommateurs (Lewis, 2006) augmenteront les

coûts privés liés à la maladie et les dépenses en matière de santé publique. Dans la mesure où

cette maladie n’a pas un caractère conjoncturel et que ses effets se prolongent durant de

nombreuses années après la contamination (Dickey and Plakas, 2010), (Van Dolah, 2000),

son impact sur les déficits publics et sociaux se fera sentir sur une longue durée. D’autre part,

une croissance abondante de cyanobactéries dans les réservoirs contribue aux problèmes

d'approvisionnement en eau (Backer, 2002). La dégradation de la qualité de l'eau pour la

consommation et des eaux de baignade (rivières, lacs) induiront des coûts de traitement qui

pèseront sur le budget des ménages et de l’Etat.

D’autres coûts supplémentaires peuvent être envisagés du fait de la mise en oeuvre de

programmes d'éducation et de sensibilisation (coûts de la diffusion de ces programmes de

sensibilisation dans les médias) (Scherer et al. 1999). Des études seront également

nécessaires pour identifier les populations sensibles sur la base de caractères physiologiques

(sexe, âge, prédisposition génétique), de facteurs comportementaux (perception des risques),

de statuts socio-économiques et de pratiques culturelles. Enfin, il serait utile de développer

des actions de santé publique, de prévention et de détection pour empêcher ou limiter

l'exposition des populations les plus vulnérables (NCCOS, 2006).

On peut penser cependant que la Nouvelle Calédonie sera en mesure de mieux faire face aux

risques sanitaires dus aux algues toxiques que ses voisins du Pacifique, en raison de ses

infrastructures sanitaires développées, y compris dans les coins les plus reculés de l’île.

d) l’impact culturel et politique.

En dehors des aspects économiques stricto sensu, les algues toxiques présentent un vrai

risque systémique en raison des interactions sociales et culturelles. (Anderson et al., 2000).

Les algues toxiques peuvent ainsi générer des coûts socioculturels26 pour les individus, les

familles, les tribus, les groupes professionnels, les groupes de loisirs et les communautés

géographiques (Bauer, 2006). Par exemple, la contribution des femmes kanakes à

l’alimentation familiale peut leur éviter aujourd’hui de devoir s’employer à l’extérieur pour

générer un revenu sous forme de salaires (Tennant S. 1998). On peut estimer que dans

certaines communautés, le maintien de la femme au sein de la cellule familiale est un facteur

important de cohésion sociale et tribale en raison de leur rôle dans l’éducation des enfants et

dans la transmission des traditions, de la culture, du langage et des valeurs de respect dû aux

anciens (Bensa and Freyss 1994; Tennant S. 1998). Comment concilier cette vision

« traditionnelle », d’ordre culturelle, avec la technologie et les valeurs de la culture

occidentale d’égalité des genres et d’accès des femmes à l’éducation et à l’emploi ?27 En tout

état de cause, il est évident que confrontées à l’impossibilité d’assumer leur fonction

économique et sociale traditionnelle, les femmes kanakes seront contraintes de rechercher un

travail salarié loin de leur domicile. Il pourrait alors s’ensuivre un exode rural associé à une

urbanisation génératrice de problèmes sociaux, eux-mêmes liés à des situations de

paupérisation et de chômage (délinquance, drogue, etc.). Les quartiers « riches » ne seront

pas épargnés, de même que l’ensemble des activités liées au tourisme.

Certes, ces impacts ne peuvent être toujours ou complètement monétisés, mais il est

important de les analyser quantitativement et qualitativement pour pouvoir mettre en oeuvre

des stratégies ou des politiques visant à en limiter les effets de déstructuration sur les

communautés. On se retrouve de nouveau ici face à la dimension systémique qui implique

des recherches interdisciplinaires qui concernent l'anthropologie, la démographie, la

communication, l'éthique, les sciences de l'organisation, la science politique et la sociologie.

Plus généralement, il paraît évident que la représentation de la nature est éminemment

culturelle et on peut penser qu’elle diffère plus ou moins profondément selon les diverses et

nombreuses communautés présentes sur le territoire de la Nouvelle Calédonie. Il serait

intéressant, à ce niveau, de faire des enquêtes sur ce que peut représenter en termes

socioculturel et économique, pour ces différentes populations, une prolifération massive des

algues toxiques. Notamment si elle s’accompagne, comme nous l’avons montré, de risques

sanitaires élevés, associés à une dégradation des conditions de vie. Ces effets seront d’autant

plus dévastateurs et perturbants, qu’ils toucheront de manière non uniforme, les différentes

catégories sociales et ethniques. La déstructuration des familles, l’accroissement des écarts de

revenus entre les tribus du littoral par rapport à celles de l’intérieur, le déclassement et le

blocage de toute possibilité d’ascension sociale ne manqueront pas de remettre en cause le

fragile équilibre interethnique et politique. On mesure alors tout l’intérêt, pour les populations

de Nouvelle Calédonie, d’envisager un cas de figure « extrême », afin de mieux anticiper et

évaluer le caractère systémique d’un risque écotoxicologique tel que celui des algues toxiques.

En guise de conclusion…

Vers un élargissement de la question du mode de gestion et de gouvernance d’un risque

environnemental à partir de la notion de « bien public mondial » et de «rationalité

collective»

La notion de « bien public mondial » permet de transposer au niveau international le concept

bien connu en économie de bien public pour envisager des mécanismes d’action et de

régulation supranationaux. A l’idée de défaillance du marché qui s’attache en général à la

notion de bien public du fait de la non révélation rationnelle des préférences des agents pour

sa production et au comportement de passager clandestin qui en découle, on rajoute ici l’idée

que les Etats nationaux eux-mêmes peuvent être défaillants dans la protection de la nature. Ils

sont alors incités à se comporter en passagers clandestins, espérant profiter sans bourse délier

du financement par d’autres Etats des actions de protection d’un capital naturel commun à

tous. D’où la notion de « biens publics mondiaux » (BPM)

Les différentes analyses qui établissent selon différents critères des typologies des BPM

mentionnent le réchauffement climatique, la recherche fondamentale, la lutte contre la

propagation de maladies, la stabilité financière ou la lutte contre la pauvreté (I. Kaul et al.,

(1999). Stiglitz mentionne quant à lui le climat, l’eau, l’air, la biodiversité, la sécurité

internationale, la connaissance, mais aussi la stabilisation économique, financière ou

monétaire internationale.

Cependant dès lors qu’il n’existe pas de gouvernement centralisé de la planète susceptible de

contraindre tous les Etats à contribuer au financement d’un BPM, on est renvoyé en dehors

du champ de la science économique proprement dite, à des analyses géopolitiques qui traitent

des rapports entre Etats en termes de conflits ou de coopération, d’hégémonie, d’économie

politique internationale, de «social choice» à l’échelle planétaire, de droit public

international »

S’agissant par exemple des algues toxiques en Nouvelle Calédonie, dont la pollution touche

une vaste zone géographique, on pourrait s’interroger sur les stratégies nationales et

internationales (à travers les organisations internationales et les ONG très puissantes dans le

domaine de l’écologie) qui pourraient se développer pour négocier le partage du financement

des mesures destinées à freiner leur prolifération, ou encore pour bénéficier de

dédommagements conséquents pour les dégâts subis. Il y aurait à ce niveau un champ de

recherche intéressant du point de vue de la problématique du développement durable.

Certains auteurs, bien que conscients du caractère flou et parfois idéologique du concept de

BPM, admettent cependant qu’il peut redonner du sens au débat collectif sur les questions

environnementales (Constantin 2002) et ré-légitimer l’aide publique au développement

autrement que par l’éthique et la solidarité (Gabas J-J et P. Hugon, 2001), tout en permettant

de faire pression sur les décideurs politiques, tant au niveau des gouvernements nationaux

qu’au niveau des organisations internationales qui pourraient tirer avantage de ces pressions

pour s’imposer davantage comme des acteurs transnationaux de la gestion écologique de la

planète.

D’autres risques majeurs peuvent laisser penser que celui lié aux algues toxiques, pour

l’instant relativement contenu, ne revêt pas un caractère particulièrement urgent. En effet,

comme c’est le cas de nombreuses zones côtières, la production primaire des lagons

calédoniens subit de multiples stress environnementaux, principalement d’origine

anthropique, liés au développement de la presqu’ile de Nouméa ou aux activités minières

(Labrosse et al, 2000). A cela viennent régulièrement s’ajouter des catastrophes naturelles

telles que les tempêtes tropicales ou les cyclones, provoquant un apport d’eau douce et de

sédiments terrestres dans les lagons et la destruction des récifs coralliens.

Il nous apparaît malgré tout que le risque lié à la prolifération des algues toxiques mérite d’en

analyser les impacts déjà avérés et potentiels dans un futur plus ou moins proche.

Les décideurs et les régulateurs quels qu’ils soient (États-nations ou organisations

internationales) doivent être conscients des conséquences socio-économiques de la

prolifération des algues toxiques (GESAMP, 2001). Les coûts économiques des dommages à

l'environnement côtier, différenciés selon les sous-espaces et les espèces concernés, peuvent

être évalués avec plus ou moins de difficultés ; qu’il s’agisse des activités récréatives et de

tourisme (Lipton, 1999), de l’alimentation en fruits de mer, des activités de la pêche et de

l'aquaculture (nutrition et sécurité alimentaire) ou de la santé humaine (sécurité alimentaire et

eau potable) (Judd et al., 2005). Les coûts socioculturels qui ont un caractère systémique sont

quant à eux beaucoup plus difficiles à évaluer en termes monétaires, mais ils doivent

cependant être pris en considération, afin de pouvoir mettre en oeuvre une stratégie efficace

de développement durable et des politiques de gestion de l'environnement, socialement et

culturellement acceptables.

1 Université Nice-Sophia Antipolis, MSHSE et GREDEG (UMR CNRS),

2 Centre Scientifique de Monaco / IAEA-Environment Laboratories, Radioecology Laboratory, MC-98000, Principality of Monaco

3 Université Nice-Sophia Antipolis, MSHSE

4 Laboratoire d'Excellence « CORAIL » USR 3278 CNRS-EPHE, Centre de Recherche Insulaire et Observatoire de l'Environnement (CRIOBE), BP 1013, 98729 Moorea, French Polynesia.

5 IAEA-Environment Laboratories, Radioecology Laboratory, MC-98000 Principality of Monaco

6 L'effet papillon est liée à la « théorie du chaos » en physique théorique. Une très forte variation d’une variable est due à une modification très faible en valeur relative d'une autre variable mathématique. D’où l’image métaphorique qu’un battement d’aile de papillon ici, peut provoquer un cyclone à l’autre bout de la planète. Dans le cas de phénomènes sociaux, on veut souligner par cette métaphore la complexité des interactions systémiques et la possibilité, à partir de phénomènes locaux, mineurs en apparence, de réactions en chaines qui dégénèrent en catastrophe majeure globale.

7 C’est ainsi qu’en Italie, sept scientifiques membres de la commission gouvernementale «grands risques» au moment du séisme meurtrier de L'Aquila ont été condamnés à six ans de prison en première instance par le tribunal pénal du chef-lieu des Abruzzes. Le juge unique du tribunal chargé du dossier, aggrava le réquisitoire du procureur général qui avait demandé quatre ans de prison pour «homicides par imprudence, désastre et lésions graves». Il reprocha aux sept scientifiques de n'avoir pas prévu le tremblement de terre ni prévenu les populations et les autorités locales de son imminence, lors d'une réunion qu'ils avaient tenue à L'Aquila le 31 mars 2009, six jours avant la catastrophe.

8 A condition, bien évidemment, que ces prévisions et évaluations soient fondées sur des arguments scientifiques qui restent dans le domaine d’un probable possible et non pas dans la science fiction.

9 Sur toutes ces questions concernant la Nouvelle Calédonie, cf. les travaux de recherche menés dans le cadre de l’IRD et des équipes de recherche de l’Université de Nouvelle Calédonie (UNC)

10 La démarche systémique consiste à appréhender et analyser, selon une approche interdisciplinaire, les phénomènes dans leur globalité et leur intégralité par la mise en évidence de corrélations complexes.

11 Concernant l’état des connaissances à propos des micro-algues toxiques et leurs impacts sur la santé humaine et sur les organismes marins, voir le chapitre premier de la thèse de Hansy Haberkorn « Impact du dinoflagellé toxique, Alexandrium minutum, sur l'huître creuse, Crassostrea gigas : approche intégrative» (28 avril 2011). http://tel.archives-ouvertes.fr/docs/00/58/93/42/PDF/These_Hansy_Haberkorn.pdf Voir également Dupuy C et les travaux de l’équipe DYFEA (DYnamique Fonctionnelle des Ecosystèmes côtiers Anthropisés) de l’UMR 7266 LIENSs (LIttoral ENvironnement et Sociétés)

12 Cf. Harris J.M (2000) “Basic Principles of sustainable Development” Global Development and Environment Institut, Working Paper OO-04.

13 Diagramme du développement durable : une approche globale à la confluence de trois préoccupations, dites « les trois piliers du développement durable ».

14 http://www.ulb.ac.be/ceese/STAFF/Tom/bossel.pdf. Le groupe de Balaton est un réseau international (global) de collaboration sur les systèmes et la soutenabilité.

15 Rapport Meadows, 1970 « Les limites à la croissance ». Il s’agit d'un rapport (demandé à une équipe du Massachusetts Institute of Technology par le Club de Rome) qui souligne les dangers écologiques de la croissance économique et démographique.

16 Ce point de vue se trouve davantage en adéquation avec les valeurs ancestrales des populations autochtones, comme celles des Kanaks de Nouvelle Calédonie, pour qui l’homme est complémentaire de la nature (du « capital naturel » ?) et ne saurait la détruire sans se détruire lui-même. Ces valeurs conduisent par exemple ces populations qui vivent dans la ‘brousse”, au coeur des forêts, à se satisfaire d’une économie de cueillette, suscitant ainsi l’incompréhension, si ce n’est la réprobation, des catégories sociales occidentalisées. Celles-ci auraient préféré que soient mises en oeuvre des méthodes intensives de production et d’exploitation agricole capables d’abonder les marchés urbains en fruits et légumes. Dans leur esprit, cela aurait aussi contribué à élever le « niveau de vie » des populations Kanaks pour les sortir d’une situation de pauvreté absolue, mesurée en termes de revenus monétaires, ce qui n’a évidemment aucun sens du point de vue de la culture kanak.

17 Inspiré par l’école de Chicago (Milton Friedman), les économistes de la Banque Mondiale et du FMI ont élaboré un modèle intégré qui fournit des solutions toutes faites aux economies en développement endettées. Ce “prêt à porter” en matière de politique économique est basé sur la libéralisation de l’économie à tous les niveaux, le désengagement de l’Etat et une stricte orthodoxie budgétaire.

18 Cf. les travaux du “Laboratoire Insulaire du Vivant et de l’Environnement » (LIVE – EA 4243), Université de Nouvelle Calédonie.

19 On trouve en Nouvelle Calédonie, d’importantes réserves de nickel, dont l’exploitation intensive constitue la première activité économique de l’île. Cela n’est pas sans conséquences écologiques sur la forêt tropicale, le maquis minier, les écosystèmes marins lagonaires, et la pollution atmosphérique. Selon WWF et «Conservation international», «…dans les prochaines années, la Nouvelle Calédonie va augmenter ses émissions de CO2 à 36,8 tonnes par habitant et par an, soit une hausse de plus de 165% en moins de dix ans. ». Cela est dû à la montée en puissance de l’industrie du Nickel dont les usines sont alimentées par des centrales au charbon.

20 La pression halieutique est une des plus faibles du monde pour un milieu corallien, mais on assiste aujourd’hui à une augmentation de la pêche récréative dans les eaux proches de Nouméa.

21 Sur les îles ganmbiers d’où le nom de la dinoflagellée porteuse de cette toxine gambierdiscus toxicus

22 Laurent D., Bourdy G., Amade P., Cabalion P., Bourret D. – 1993 - "La gratte" ou ciguatéra et ses remèdes traditionnels dans le Pacifique Sud. Editions de l'ORSTOM, collection Didactiques, Paris. 135 p.

23 Cf. Wasmer E et D. Quentin (2012), “Rapport sur la situation économique de la Nouvelle Calédonie” ainsi que les travaux du LARGE (http://larje.univ-nc.nc.) et de l’ERIM, équipes de recherche de l’Université de Nouvelle Calédonie.

24 La valeur ajoutée est la différence entre la valeur du produit final et la valeur des consommations intermédiaires. Elle concerne et englobe ici, celle des captures et celle de la filière de l’industrie nautique.

25 Mis à part les deux extrêmes entre une pêche à but alimentaire comme source importante nutritive et une pêche 100% de loisir (quasiment non dépendantes des captures), il existe différents niveaux intermédiaires rendant souvent difficile la distinction entre les deux types de pêche.

26 Le terme «Socioculturel» englobe les connaissances, les croyances, les normes, les valeurs et les coutumes qui reflètent la culture et le patrimoine d'un groupe.

27 Cf. Les travaux du Centre des Nouvelles Etudes sur le Pacifique (CNEP - EA n°4242), Université de Nouvelle-Calédonie.

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