20 Août 2015
Eléments de réflexion pour une approche systémique de la prévision des risques
environnementaux locaux: application au cas des efflorescences d’algues nuisibles en
Nouvelle-Calédonie
Albert Marouani1, Nathalie Hilmi2, Alain Safa3, Nicolas Pascal4,
Marie-Yasmine Dechraoui Bottein5, Michel Warnau5.
Résumé: La prévision des risques écotoxicologiques passe par une approche systémique et
critique de la notion de développement durable. En envisageant, pour la Nouvelle Calédonie,
un risque potentiel maximal d’augmentation des efflorescences algales nuisibles, nous
mettons en évidence l’articulation des risques écologiques, biologiques, sanitaires et
socioéconomiques (loisirs, tourisme, pêche, habitudes alimentaires, santé, culture et
structures politiques). Nous évoquons en conclusion la question de la gouvernance d’un
risque environnemental à partir de la notion de « bien public mondial » et de « rationalité
collective ».
Mots-clés : Algues toxiques, risques naturel et anthropique, développement durable, bien
public mondial, prévision, analyse systémique.
Abstract: The forecasting of ecotoxicologic risks is done through a systemic approach of
sustainable development. Hypothesising a maximum potential risk in increase of toxic algae
in New Caledonia, we demonstrate the interdependencies of ecological, biological, sanitary
and socio-economic risks (tourism, recreational activities, fishing, nutrition, health, culture
and political structures).
We conclude by bringing forth the question of governance of environmental risk through the
notion of "global public good" and "collective rationality".
Key words : toxic algae, natural and anthropic risks, sustainable development, Global public
good, collectiv rationality.
Le risque écotoxicologique n’est en général pas considéré comme un risque majeur à
l’échelle d’un pays, d’une région ou de la planète. Il a souvent tendance à être sous-estimé
par excès de confiance dans les capacités d’adaptation des populations et dans les progrès de
la médecine. Ce risque tend pourtant à augmenter, sous des formes de plus en plus
diversifiées, à l’échelle planétaire en raison de la pollution croissante, du réchauffement
climatique, de l’acidification des océans, mais aussi des conflits armés qui peuvent dégénérer
en guerres chimiques et bactériologiques.
En évoquant ici la métaphore de « l’effet papillon »6, nous pensons qu’un risque
environnemental, en apparence maîtrisé et circonscrit, pourrait devenir, au-delà d’un certain
seuil, difficilement prévisible, de son développement, l’élément déclencheur de réactions en
chaines, pouvant affecter de proche en proche l’ensemble des structures économiques et
sociales d’un pays et dégénérer en crise systémique majeure.
Dans un monde marqué par des fragilités et des instabilités locales et globales de tous ordres
(politiques, sociales, économiques et financières), une catastrophe environnementale peut
avoir des effets particulièrement dévastateurs sur le plan économique et humain. On assiste
par ailleurs à une « judiciarisation » croissante des causes et des conséquences de la
dégradation de l’environnement. La question de la prévision (anticipation et évaluation) des
risques naturels et anthropiques est posée, en termes de responsabilité morale et parfois
pénale, aux autorités politiques ainsi qu’à toute la communauté scientifique.7 Dans ce
contexte, les chercheurs, eux-mêmes confrontés à un risque juridique, pourraient être tentés,
pour « se couvrir », d’envisager dans leurs prévisions, les hypothèses les plus « extrêmes ».
Sans lien nécessaire avec le contexte juridique qui vient d’être évoqué, il nous semble, qu’en
matière de prévision et d’évaluation d’un risque environnemental local, il est souvent plus
intéressant scientifiquement d’envisager des « scénarii catastrophe ». L’intérêt est aussi
d’ordre pédagogique lorsque ces prévisions visent à sensibiliser des décideurs politiques et à
alimenter un large débat citoyen.8
Nous envisageons dans cet article un cas de figure dans lequel, la Nouvelle-Calédonie, déjà
menacée par de nombreux risques environnementaux9, pourrait être concernée beaucoup plus
gravement par l’amplification du développement des algues toxiques, et ce, à tel point que
ses habitants ne parviendraient plus à gérer cette situation par les moyens traditionnels.
S’agissant ici d’un risque connu et déjà présent, il nous paraît beaucoup plus intéressant
d’envisager son accélération et son développement extrême. Ce parti-pris théorique, et
pratique, présente aussi l’intérêt méthodologique de tendre vers une démarche systémique10
(en termes de développement durable), susceptible de prendre en compte la complexité des
effets combinés, multidimensionnels et pluridisciplinaires, d’une dégradation du milieu
naturel.
Avec une barrière de corail continue de plus de 1600 kms (deuxième plus grande au monde),
les lagons de Nouvelle Calédonie présentent une faune et flore d’une biodiversité
exceptionnelle à tous les niveaux de la chaine trophique. Les micro algues (ou phytoplancton)
constituent un élément fondamental de cet écosystème assurant la majeure partie de la
production primaire. Du fait de l’eutrophisation côtière grandissante, du changement
climatique et de problèmes connexes tels que l'acidification des océans, les efflorescences
algales nuisibles (HABs) pourraient augmenter en fréquence et intensité et dès lors auraient
un impact croissant sur l'environnement, menaçant les écosystèmes et leur biodiversité, la
santé humaine et les équilibres économiques et sociétaux.11 Notre objectif, dans le cadre de
cet article, est d’envisager ce risque potentiel « maximal » à la lumière d’une approche
systémique et critique du développement durable. D’autres études plus ponctuelles et plus
approfondies pourront procéder dans cette même perspective, à des mesures plus précises. On
évoquera en conclusion l’éclairage que pourraient apporter sur cette question les approches
en termes de « bien public mondial » appréhendées dans un contexte régional.
I.Problématique théorique et méthodologique: une mise en perspective critique et
systémique de la notion de développement durable.12
On représente généralement le développement durable à l’intersection des trois dimensions,
écologique, économique et sociale, selon le « Diagramme du développement durable »13
Ce schéma pose immédiatement la question de la compatibilité ou de la mise en cohérence
des différents objectifs propres à chacune de ces dimensions et à chacune des disciplines qui
les sous-tendent : par exemple, augmenter la production et les rendements dans la pêche,
l’agriculture ou les mines pour répondre aux besoins d’une population croissante, peut
contribuer à accroître la pollution et à réduire la biodiversité; mettre en oeuvre des énergies de
substitution non polluantes peut renchérir leur prix et accroître la charge qui pèse sur les plus
pauvres, etc. Comment hiérarchiser les différents objectifs? Qui va procéder aux arbitrages et
comment ?
La notion de développement durable souffre encore d’un déficit de conceptualisation et
d’outils analytiques de modélisation qui intègrent ces trois dimensions. De ce fait, elle
apparaît plus normative que scientifique : il est souvent plus facile d’identifier la non
durabilité que la durabilité (Bossell, 1999).
L’approche systémique pourrait contribuer à fournir un cadre analytique commun aux trois
perspectives disciplinaires (économique, sociologique et écologique) du développement
durable.
Il importe cependant, comme le suggère le rapport du « Groupe Balaton » sur les indicateurs
de développement durable, de commencer par examiner séparément chacun des trois
systèmes et de bien comprendre leur méthode d’analyse afin de mieux identifier les
indicateurs qui permettent de mieux articuler les différentes dimensions du développement
durable. (D.H. Meadows, 1998).14
A. Critique de l’analyse strictement économique du développement durable.
La théorie économique ne fixe pas de limite à la croissance de la production de biens et
services de toutes natures (y compris les biens environnementaux, les ressources naturelles
non renouvelables et toutes sortes de « biens publics »). La dégradation de la nature n’est
prise en compte que si elle induit des externalités négatives chiffrables en termes de coût ou
de diminution du bien-être. La théorie économique dominante, marquée par la croyance dans
le caractère spontanément auto-régulateur du marché, considère qu’elle est tout à fait en
mesure de traiter la nature comme un «capital naturel» (ce qui paraît tout à fait aberrant pour
les sciences environnementales), et sa dégradation, selon un principe de pure rationalité
économique, notamment à travers la théorie des biens publics et la théorie des incitations.
D’autres auteurs, rompant avec la vision libérale, ont préféré se situer plutôt dans une optique
de « social choice » pour faire des propositions « opérationnelles » de développement durable
susceptibles de préserver l’équité intergénérationnelle sans pour autant interrompre le
processus de croissance économique à l’instar du courant anti développementaliste qui se
situe dans la lignée des anciennes recommandations du club de Rome.15
Des nombreux débats sur cette question de « durabilité », on retiendra deux positions
tranchées.
La première position voudrait assigner à l’Etat un objectif politique reposant sur deux types
de règles de décision, l'une pour les énergies renouvelables et l'autre pour les ressources non
renouvelables. (Daly, Herman 1994 ; Perrings,1992). S’agissant des premières, la règle est de
limiter la consommation des ressources à des niveaux de rendement durable. Pour les
secondes il convient de réinvestir le produit de leur exploitation dans le « capital naturel »
renouvelable. La combinaison de ces deux règles permettrait de maintenir constant le stock
de « capital naturel ».
La deuxième position conforme à l’approche néo-classique considère qu’il n’y a aucune
raison, ni économique, ni éthique, de conserver le « capital naturel ». (Solow, RM, 1986;
Hartwick, J.M, 1977)
Selon la « règle de Hartwick », il est possible de maintenir la consommation constante ou
même l’augmenter dans le temps, à condition que les revenus tirés de l’exploitation des
ressources non renouvelables soient partiellement ou totalement réinvestis dans du capital
reproductible quelle que soit sa forme (Solow et Hartwick). C’est dans ce même esprit que le
rapport Wasmer (2012) préconise (à propos de l’épuisement du Nickel en Nouvelle
Calédonie d’ici une centaine d’année), de placer les profits, tirés de l’exploitation présente de
cette ressource non renouvelable, dans la constitution d’un fonds souverain (modèle de la
Norvège pris en exemple). Les placements de ce fonds permettraient d’alimenter, à travers le
temps, un flux de revenus constant pour l’économie néo-calédonienne. Il n’est donc pas
nécessaire dans cette perspective économiciste, d’entretenir le stock de « capital naturel ».
L'hypothèse implicite de l'approche de Solow et Hartwick est qu’il existe une parfaite
substituabilité entre le « capital naturel » et les autres formes de capital. Peu importe la
destruction du « capital naturel » dès lors que sa valeur économique est inférieure à celle du
capital financier nouvellement créé à partir de cette destruction. Le point de vue de Daly est à
l’opposé de cette vision néo-classique.16
Prenant conscience que l’application stricte de l’efficience économique de type néo-classique
peut conduire à des pertes irréversibles d’un patrimoine naturel (qui ne saurait se réduire à un
« capital » !) qui appartient à l’humanité toute entière (disparition de certaines espèces
animales et végétales), certains auteurs, pourtant d’obédience libérale, ont avancé l’idée
d’une «norme minimale de sécurité" (Ciriancy Wantrup, SV (1952), Toman, Michael A.
(1992) in R. Krishnan, et al. (1995)) afin de mieux protéger les ressources essentielles et
l’environnement. Selon le degré de gravité et d’irréversibilité des dommages écologiques, on
pourrait appliquer soit le point de vue néo-classique de l’efficience économique, soit le point
de vue normatif et moral d’une « norme de sécurité » écologique qui permettrait de réduire
l’impact destructeur des activités humaines sur le capital naturel. Reste en suspens la question
de savoir qui fixera ces « normes », selon quels critères et selon quelles procédures sociales et
politiques. Comment la société pourra-t-elle apprécier les actions humaines qui auront un
impact sur l’environnement ou le capital naturel dépassant le seuil « minimal de sécurité ».
Le recours aux « experts » (économistes, sociologues, ethnologues, biologistes, etc.) ne
garantit pas un consensus entre eux. On retombe ainsi sur les problèmes évoqués plus haut à
propos de la fixation d’un taux d’actualisation qui renvoie à la constitution au sein de chaque
société d’une échelle des valeurs sociales (ou sociétales) et morales (ou culturelles) qui lui est
propre. Notons au passage, qu’une réflexion sur ces questions pourrait aussi mobiliser la
théorie de la justice de Rawls (1987), la théorie des sentiments moraux d’Adam Smith, les
théories du « social choice » et du « décision making process ». (Cyert R et G. March, 1962)
La question du développement durable n’émergera véritablement comme un changement
radical de paradigme que si elle relève d’une démarche pluridisciplinaire où chaque discipline
interroge son propre objet de connaissance et ses méthodes à la lumière d’un dialogue
permanent avec les autres disciplines. Les économistes n’ont aucune légitimité particulière à
être les seuls à pouvoir définir les objectifs, les normes, les buts du développement durable.
Même sur la théorie des incitations économiques, qui est aussi au coeur de la problématique
du développement durable, ils doivent (ou ils devraient davantage) faire appel à des
psychologues, à des sociologues, à des anthropologues.
B. Les difficultés d’articulation de l’écologie à l’économie.
Contrairement aux économistes, dont les modèles ne donnent aucune borne supérieure à la
croissance économique, les spécialistes des sciences physiques et les écologistes sont
habitués à l'idée de limites à la croissance. Les systèmes naturels sont soumis aux lois de la
thermodynamique et la science de l'écologie des populations a exploré les implications de ces
lois pour les organismes vivants (cf. CS Holling (1994), AH Ehrlich, et PA. Matson (1986)).
Dans une perspective écologique, la durabilité doit comporter des limites sur la population et
les niveaux de consommation. Ces limites s'appliquent à tous les systèmes biologiques. Bien
que les humains puissent sembler leur échapper pour un temps, ils doivent accepter
finalement les limites d'une planète aux ressources limitées. Ils auraient déjà « consommé
40% de l'approvisionnement en énergie de base pour tous les animaux terrestres » (Paul
Ehrlich et al. 1986). Cependant, il faut aussi prendre en compte les capacités de régénération
et d’adaptation des milieux naturels comme des milieux humains. La diversité génétique,
notamment, donne lieu à la résilience des écosystèmes. La résilience est une capacité qui
permet à un système de répondre à des perturbations ou à des dommages. Par exemple, un
écosystème marin peut se remettre d'une infestation due à la prolifération d’algues toxiques
par une augmentation de la population de prédateurs qui contrôlent l'organisme nuisible.
L’exemple de la taxifolia caulerpa qui a été invasive en Méditerranée et qui a aujourd’hui
tendance à régresser pour des raisons encore inexpliquées donne à réfléchir sur un mécanisme
du même ordre concernant les algues toxiques en Nouvelle Calédonie.
Les schémas de réponse peuvent varier d’un écosystème à l’autre et pour un même
écosystème en fonction de son propre environnement. Mais il n’en reste pas moins vrai que la
clé de la résilience est l'existence d'une grande variété d'espèces, en interaction les unes avec
les autres. Certes, il existe aussi un degré de résilience intrinsèque qui diffère selon les
espèces, mais, malgré tout, et à condition que les espèces protégées aient une bonne
résilience, maintenir un vaste réservoir de formes génétiques augmente la possibilité de
s'adapter à des conditions changeantes et à des traumatismes profonds. De ce point de vue, le
risque lié aux algues toxiques doit être apprécié au regard des autres risques écologiques
(réchauffement climatique et surexploitation minière notamment) qui conduisent à réduire
considérablement la biodiversité de l’écosystème néocalédonien.
Ainsi pour l'écologiste, la durabilité devrait être définie en termes de maintien de la résilience
des écosystèmes.
Cette vision de la durabilité est nettement différente de celle des économistes qui repose sur
la consommation et qui est reprise par la Commission mondiale sur l'environnement et le
développement.
Perrings et Common (1992) ont montré que la «Solow-durabilité», dérivée du modèle
économique d’une consommation stable ou en augmentation, et la "Holling-durabilité»,
fondée sur la résilience des écosystèmes sont largement disjoints. Cela implique-t-il pour
autant un divorce irrémédiable entre l'efficacité économique et la durabilité écologique ?
L’émergence de maladies de plus en plus résistantes aux antibiotiques, la disparition
grandissante des espèces animales et végétales, la multiplication des catastrophes
écologiques, les menaces liées au réchauffement climatique laisseraient à penser que les deux
approches sont irréconciliables et que l’économique est en train de gagner la partie au
détriment de l’écologique. Tout porte à croire que la croissance démographique dans les
zones les plus pauvres de la planète associée à la croissance économique dans la plupart des
pays de la planète à travers les processus de globalisation et de mondialisation, va dans le
sens d’une réduction de la diversité fonctionnelle et d’une homogénéisation croissante qui
rendra les écosystèmes de moins en moins capables de résilience.
Comment orienter nos besoins et notre croissance économique vers la préservation de
l'intégrité des écosystèmes et de la diversité des espèces sans une collaboration étroite des
économistes avec les biologistes et les écologistes ?
Comment mettre au coeur des préoccupations économiques et politiques les questions
environnementales dans un contexte de pauvreté et d’inégalités économiques ?
De toute évidence, l'intégration si nécessaire de l'économie et de l'écologie ne peut être
réalisée sans le social, qui est la troisième dimension de la triade du développement durable.
C. La vision limitée du social par l’économie.
La grande majorité des économistes convient aujourd’hui que les marchés libres, non
réglementés et livrés à eux-mêmes peuvent conduire aux pires catastrophes du point de vue
écologique et qu’il est nécessaire de passer par l’intégration de la dimension sociale pour
tenter de réconcilier l’économique et l’écologique. Il ne s’agit pas ici d’une relation
symétrique entre l’économie et chacune des autres sciences humaines et sociales, mais d’une
intégration unilatérale des phénomènes sociaux par la théorie économique. Dans le contexte
d’une discipline souvent marquée, notamment en France, par la prééminence de la
modélisation mathématique, cette « ouverture » bien que limitée, n’en est pas moins un
premier pas vers des approches pluridisciplinaires et marque une sorte de « retour » à
l’économie politique à ses débuts. Les classiques de Smith à Ricardo en passant par Malthus,
Marx, Sismondi, les physiocrates et bien d’autres ont toujours été préoccupés par la question
des inégalités (et indirectement de l’équité) à travers l’articulation de la répartition des
revenus (relation salaire, profit, rente) et de la production (accumulation du capital,
croissance). La question d’un développement humain durable (et non celle de la
maximisation des richesses) pourrait ainsi renouer avec cette tradition. Aujourd’hui la
dimension « sociale » du développement durable perçue par les économistes repose
largement sur le concept (et l’indice) de développement humain forgé par le programme des
Nations Unies pour le développement (PNUD), (cf. Anand, Sudhir et A. K. Sen 1996).
L’accent a été mis d’abord sur la satisfaction des besoins essentiels et on a rajouté par la suite
des notions telles que la gouvernance démocratique (1993), l'inégalité entre les sexes (1995),
la pauvreté (1997) et plus récemment la corruption. L'indice de développement humain
(IDH), compris entre 0 et 1 combine l'espérance de vie, l'alphabétisation des adultes et le taux
de scolarisation avec le PIB par habitant. On a ainsi pu montrer le caractère
multidimensionnel du développement et surtout remettre en question la suprématie de
l’indicateur du PIB par tête pour mesurer le bien-être. La hausse du PIB ne signifie plus
nécessairement davantage de bien-être global (cf. F. Ackerman et al. eds. 1997)). Mais pour
autant cet indicateur ne prend pas encore en compte la qualité de l’environnement, même si le
rapport sur le développement humain de 1994 a abordé la relation entre développement
durable et équité en montrant notamment que l'équité intergénérationnelle était indissociable
de l’équité intra générationnelle et que toute stratégie de développement durable devait agir
sur les habitudes de consommation. Le Rapport de 1997 montre ainsi que de nombreuses
causes de dégradation de la situation des pauvres sont liées à la dégradation de
l’environnement. On a souvent souligné aussi que le lien de causalité fonctionne dans les
deux sens et que l’augmentation de la pauvreté et la perte des moyens de subsistance en
milieu rural accélèrent la dégradation de l'environnement (pression sur les forêts, la pêche, et
les terres marginales).
D’autres auteurs, sociologues, anthropologues et économistes notamment, ont remis en cause
plus radicalement la notion de modernité, identifiée à l’occidentalisation, imposée au mépris
de leur culture à tous les peuples de la planète pour les contraindre à une croissance
économique et à un développement qui détruit leur environnement naturel en même temps
que leur modèle social et leurs valeurs culturelles.
Sans aller jusqu’à remettre en cause les vertus du marché et les bienfaits de la mondialisation,
le PNUD insiste plutôt sur des questions telles que l’équilibre entre la création de richesse et
la répartition des richesses, l'importance du capital social, le rôle de l'État, des collectivités
locales et des organisations non gouvernementales en matière de développement. C’est ainsi
que l’on souligne dans ces travaux que la démocratie participative, la décentralisation, et le
capital social représenté par une forte organisation locale, sont compatibles avec un
développement économique, toujours mesuré par le PIB par habitant.
De son côté, la Banque mondiale a développé des recherches sur le développement durable et
a proposé notamment de mesurer le taux véritable d’épargne en prenant en compte
l'épuisement des ressources naturelles et les dommages causés par la pollution. (cf. Banque
mondiale (1997). Stiglitz, J. (1997) et (1998)).
Cette attention nouvelle à une combinaison de facteurs sociaux et environnementaux
témoigne d’une inflexion notable, voire d’une critique véhémente (J. Stiglitz) des politiques
traditionnelles de développement issues du fameux «consensus de Washington».17 La critique
du modèle néolibéral et des imperfections congénitales du marché (asymétries d’information,
aléa de moralité, sélection adverse…) passe par une prise de conscience de l'importance des
institutions sociales et des normes dans la performance du marché. Ceci justifie l'action
sociale et gouvernementale et renoue avec le point de vue originel d’une théorie normative du
développement en incluant désormais une référence forte aux questions environnementales et
sociales qui étaient jusqu’à présent superbement ignorées. On peut donc de ce point de vue
être relativement optimiste sur l’émergence progressive d’un véritable paradigme nouveau du
développement durable prenant en compte et combinant, dans une approche systémique
globale, l'économique, l’écologique et le social ouvrant des perspectives nouvelles à la
recherche interdisciplinaire.
II. Application empirique: Analyse prévisionnelle du risque systémique que représentent
les efflorescences d’algues nuisibles en Nouvelle Calédonie
Le concept de développement durable analysé ci-dessus nous permet, d’analyser ce risque
écotoxicologique d’un point de vue systémique et interdisciplinaire, à la croisée des sciences
biologiques et écologiques et des sciences sociales au sens large (incluant l’économie).
A. Le risque écologique.
Malgré la nature hostile des sols des maquis miniers, riches en métaux toxiques comme le
nickel, le chrome et le cobalt, la Nouvelle-Calédonie représente un patrimoine faunistique et
floristique important de biodiversité marine et terrestre à caractère mondial.18 Ce patrimoine
est aujourd’hui de plus en plus menacé. par la dégradation des habitats, les espèces
envahissantes, le changement climatique, la pollution, l’hypersédimentation dans les milieux
lagonaires, la surexploitation des ressources…19
Plusieurs centaines de milliers d’espèces de micro algues et de cyanobactéries sont
répertoriées dans le monde parmi lesquelles quelques milliers sont capables de produire de
puissantes toxines, et peuvent, quelle que soit leur densité cellulaire, avoir un effet néfaste sur
les écosystèmes, par consommation, contact ou respiration de ces toxines. Par ailleurs, sous
certaines conditions environnementales, les micro algues, toxiques ou non toxiques, peuvent
proliférer de façon massive et atteindre des densités cellulaires de l’ordre du million de
cellules par litre. Ces phénomènes naturels sont généralement traduits par une décoloration de
la mer (communément appelée « marée rouge »), l’apparition de zones anoxiques et une
détérioration des habitats. Les efflorescences d’algues nuisibles sont couramment
responsables de périodes de fermeture de la pêche, de mortalité de poissons, mammifères
marins ou oiseaux et en conséquence, ont un impact sur les économies locales et la qualité de
vie des populations (Van Dolah, 2005, Bottein et al, 2011). (Marre J-B et N. Pascal, 2012).
Les ciguatoxines sont bio accumulées le long de la chaîne trophique alors que les algues sont
consommées par les poissons herbivores, eux-mêmes consommés par les poissons carnivores
et, au final, par les hommes (Randall, 1958; Bagnis, 1980). Un seul poisson peut ainsi
accumuler des quantités de toxines suffisantes pour intoxiquer plusieurs adultes humains,
sans que pour autant ces derniers présentent des signes d’intoxication. Des expériences en
laboratoire ont cependant montré que les ciguatoxines pouvaient aussi avoir un effet létal
chez les poissons d’eaux douces et marins (Lewis 1992, Capra et al, 1988, Bottein M-Y Pers.
Com.), et représentaient une menace potentielle sur la reproduction des poissons par transfert
et accumulation dans les oeufs de poissons et effet délétère sur le développement des
embryons (Colman et al, 2004).
La production de toxines et de biomasse associées aux efflorescences de Trichodesmium
représente une menace bien réelle pour les écosystèmes de Nouvelle Calédonie, affectant
aussi la survie des récifs coralliens. La réduction de pénétration de la lumière, l’étouffement
du benthos, les sédimentations et l’eutrophisation résultant des fortes densités de cellules
peuvent avoir un impact direct sur la survie des coraux (Endean, 1976). De plus des
observations dans les Caraïbes ont mis en évidence un impact négatif des efflorescences de
Trichodesmumium sur le zooplancton et les communautés de crevettes (Hawser et alii, 1992;
Guo and Tester, 1994; Preston et alii, 1988), et les huîtres (Hawser et al. 1992; Preston et al.
1998). En Nouvelle Calédonie de telles efflorescences sont occasionnellement observées dans
les bassins d’aquaculture de crevettes, où elles sont suspectées d’impacter négativement le
développement et la survie des larves de crevettes, et d’être responsables de mortalités
saisonnières massives, comme en 2001, par effet direct ou croissance concomitante de
bactéries pathogènes (IRD, http://www.com.univ-mrs.fr/IRD/urcyano/identite/trophiq.htm).
Kerbrat et al, (2011) ont observé que les colonies de Trichodesmium constituent un habitat
pour de nombreuses espèces de petits organismes marins, source de nourriture pour des
espèces d’invertébrés tels que les copépodes pélagiques Macrosetella gracilis et Miracia
efferata, tous deux tolérants aux toxines. A partir de la les toxines de cyanobactéries
pourraient ainsi être transférées le long de la chaine trophique du lagon via les mulets, connus
pour brouter sur les Trichodesmium.
(Kerbrat et al, 2011)
Des études récentes suggèrent que l’eutrophisation des milieux et les changements
climatiques sont deux processus qui pourraient accentuer la prolifération et l’expansion des
cyanobactéries et micro algues nuisibles (Fue et al, 2012). Inversement, de par leur sensibilité
aux conditions environnementales, ces phytoplanctons pourraient servir potentiellement
d’indicateurs des changements environnementaux et globaux résultant du réchauffement
climatique, de l’acidification des océans et de l’eutrophication.
Pourtant, le milieu récifal, bien que menacé, reste aujourd’hui encore assez bien conservé.20
L’objectif est de le transmettre en l’état aux générations futures. L’inscription auprès de
l’UNESCO (depuis 2008) des lagons calédoniens au patrimoine mondial de l’humanité ne
constitue certes pas en soi une protection contre la prolifération d’algues toxiques mais
permettra sans doute de mieux justifier (sinon d’en mutualiser le financement) le coût des
mesures qui pourraient être prises pour en limiter l’impact sur le développement durable de
l’île.
B. Le risque biologique et sanitaire.
La Nouvelle-Calédonie a une longue histoire d’intoxication par consommation des produits
de la mer d’origine phytoplanctonique. Les premiers rapports de ce qui est maintenant connu
sous le nom de ciguatera (ou plus communément « gratte » en Nouvelle Calédonie) datent du
deuxième voyage du navigateur explorateur James Cook (1774), et les premières études
scientifiques remontent aux années 70 par le docteur Raymond Bagnis (Bagnis, 1968 1971)21.
Des pratiques culturelles et sociales se sont développées localement au cours du temps en
réponse à ces menaces naturelles. Il existe ainsi une médecine traditionnelle à base de plantes
(Kumar-Roine et al. 2009; Kumar-Roine et al. 2011) et de bonnes connaissances empiriques
des espèces de poissons et des zones géographiques à risque qui peuvent conduire à une
minimisation de ce risque.22 Cependant, il nous semble que les efflorescences algales
nuisibles demeurent une menace globale (environnementale, économique et de santé
humaine) grandissante compte tenu des dégradations continues des environnements côtiers et
des changements écologiques planétaires (réchauffement et acidification des océans).
En nouvelle Calédonie les espèces nuisibles de micro algues comprennent principalement les
dinoflagellés toxiques du genre Gambierdiscus et Ostreopsis et de cyanobactéries du genre
Trichodesmium.
Gambierdiscus est une micro algue benthique qui pousse généralement en eaux peu
profondes (Litaker et al, 2010) à des températures comprises entre 21°C et 31°C, à une haute
salinité et luminosité. Elle a été identifiée comme la source primaire des ciguatoxines
(CTXs), des toxines considérées comme les agents principaux de la ciguatera (Lewis and
Holmes, 1993; Murata et al, 1989). Gambierdiscus est aussi capable de produire une autre
toxine, la maitotoxine (MTX), mais son rôle dans la ciguatera est peu probable compte tenu
de son faible niveau d’absorption orale (Lewis, 2006). Le dinoflagelle du genre Ostreopsis,
est aussi une micro algue benthique suspectée d’être impliquée dans la ciguatera, a été
identifié en Nouvelle Calédonie (Fukuyo, 1981). Il est communément trouvé sur le
smacrophytes et substrats durs (rocher, sable, coquilles de mollusques), et dans la colonne
d’eau (Parsons et al. 2012; Parsons and Preskitt 2007). Ostreopsis produit un éventail de
toxines analogues aux palytoxines PTX dont le transfert dans la chaîne trophique des lagons
calédoniens demande à être évalué. Les blooms de Trichodesmium spp (T. erythraeum et
dans une moindre mesure T. thiebautii), cyanobactéries diasotrophes (Kerbrat et al, 2011)
sont fréquemment observés autour et dans les lagons. Toxiques, ces micro algues produisent
de la palytoxine et son homologue 42-hydroxy-palytoxine. Une autre cyanobactérie,
Hydrocoleum lyngbyaceum, proche phylogénétiquement de Trichodesmium produit de
l’homoanatoxine-a, un dérivé de l’anatoxine-a produite par Ostreopsis, (Méjean et alii, 2010).
La ciguatera est l’intoxication non bactérienne par produit de la mer la plus fréquente dans le
monde, avec 50.000 cas estimés globalement par an, et reste ainsi un important problème de
santé publique difficile à gérer, en particulier dans les petites îles en développement du
Pacifique. Cette maladie est caractérisée par des symptômes gastro-intestinaux,
neurologiques, et dans une moindre mesure, cardiovasculaires. Les symptômes aigus gastrointestinaux
de vomissement et de douleur abdominale apparaissent généralement dans les 6h
après injection d’un poisson toxique et ne durent que quelques jours (Bagnis et alii, 1979;
Bagnis, 1979 ; Gillespie et alii, 1986). Les symptômes neurologiques se développent plus
lentement, deux à cinq jours après le repas toxique (Allsop et alii, 1986), et évoluent dans les
cas les plus sévères en syndrome de fatigue chronique, et la dépression. Les traitement de la
ciguatéra restent à visée symptomatique (Blythe et al. 2001; Friedman et al. 2008; Palafox et
al. 1988), cependant leur action reste limitée compte tenu de la difficulté du diagnostic de la
maladie, qui est uniquement basé sur les signes cliniques typiques de la ciguatéra associés à
une consommation récente de poisson. Des biomaqueurs d’exposition à la maladie mis en
évidence sur modèle animal de laboratoire (Bottein et al. 2011) n’ont pas encore été
appliqués à l’homme.
En Nouvelle-Calédonie, la ciguatera avait une prévalence de 25% chez la population adulte
(ORSTOM, 1992) alors qu’elle a été estimée à 37.8% en 2010, avec une distribution variant
avec la population (Baumann et al. 2010). Les natifs et les personnes ayant vécu en Nouvelle
Calédonie plus de 11 ans semblent plus touchés, probablement parce qu’ils pratiquent une
pêche de subsistance et qu’ils en consomment davantage, accumulant ainsi des toxines dans
leurs organismes (Baumann, 2010). Cette étude révèle que les espèces impliquées dans des
cas de ciguatera sont principalement des mérous (48.4%), des empereurs (14.3%), des
thazards (12.4%) et des poissons perroquets (6.8%). Il est curieux de constater qu’à ce jour le
terme « ciguatera » n’est toujours pas explicitement mentionné dans la législation sanitaire de
Nouvelle Calédonie (Clua et al, 2011).
Des intoxications ressemblant à la ciguatéra ont par ailleurs été associées à la consommation
de bénitiers contaminés par des composés similaires aux molécules ciguatoxines, mais
produits par la micro algue
T. erythraeum appartenant au phylum des cyanobactéries.(Kerbrat
et al. 2010). Ces même composés avaient été identifiés en Australie dans des extraits de
maquereaux incriminés dans des cas d’intoxications semblables a la ciguatéra (Endean et al.
1993a; Endean et al. 1993b; Endean et al. 1993c; Hahn et al. 1992). Les composés chimiques
ont été isolés à partir de T. erythraeum et T. thiebautii, et identifiés comme étant une
palytoxine et son dérivé 42-hydroxypalytoxine (PLTXs) (Kerbrat et al, 2011). D’autres
cyanobactéries à l’origine d’intoxications humaines, Hormothonium lyngbyaceous,
Oscillatoria, et Phormidium ont été identifiées dans les lagons de Nouvelle Calédonie
(Laurent et alii, 2008).
En conclusion, les efflorescences de Trichodesmumium représentent non seulement une
nuisance esthétique par leur forte biomasse mais aussi un danger pour la santé des personnes
contaminées au cours des baignades ou de la consommation de coquillages ou de poissons
par les toxines qu’elles produisent (Kerbrat et al, 2011).
C. Le risque socio-économique.
D’une manière générale, les efflorescences de micro-algues productrices de toxines peuvent
avoir des impacts socio-économiques importants (Hoagland et al., 2002 ; Hoagland et
Scatasta, 2006), soit en rendant des espèces cultivées et/ou péchées impropres à la
consommation, soit en perturbant l’équilibre des populations naturelles ou cultivées, en
provoquant par exemple des mortalités ou des déficits de recrutement.
Pour bien appréhender l’évaluation de ce risque, il nous faut distinguer d’une part la
dimension structurelle macroéconomique de la Nouvelle Calédonie et d’autre part les
enchaînements sectoriels à caractère systémique.
1) Analyse de l’impact structurel sur l’économie néo-calédonienne23.
Celle-ci se présente au premier abord comme une économie développée du point de vue du
PIB par tête, des infrastructures de transport, de santé, d’éducation et de communication, du
modèle de consommation comparable à celui des pays les plus développés, du système de
gouvernance politique fondé sur la démocratie et l’Etat de droit, mais avec des spécificités
résultant de son rattachement à la France et de l’accord de Nouméa. Le secteur du tourisme
lui-même présente (du moins à Nouméa et dans quelques villes) toutes les caractéristiques du
tourisme des économies développées et les services administratifs du secteur public n’ont rien
à envier à ceux de la métropole française à laquelle est rattachée la Nouvelle Calédonie. Bref
l’économie néo-calédonienne aurait, en apparence, toutes les caractéristiques économiques
d’un département français développé, si ce n’était son éloignement par rapport à la
Métropole. (Gay. J-C, 2008)
Mais à y regarder de plus près et dès lors que l’on considère cette île comme une entité en soi,
on y trouve toutes les caractéristiques d’une économie en développement, voire
« émergente » tels que : i) le dualisme entre un secteur capitalistique développé et des
structures de production traditionnelles de chasse, de pêche et de cueillette; ii) un dualisme
culturel et ethnique; iii) un dualisme du marché du travail; iv) un dualisme ville campagne
très fortement marqué; v) des inégalités de revenus très fortes; vi) un poids important du
secteur primaire et des services et la faiblesse du secteur industriel; vii) une monnaie
dépendante avec un régime de change d’ancrage nominal par rapport à l’Euro (Huart F. et G.
Lagadec 2012); viii) des recettes en devises fluctuantes car fortement dépendantes de
l’exportation d’une seule matière première (le nickel); ix) etc.
L’économie néo-calédonienne est donc bien en réalité une économie en développement
dépendante, de type « primaire extravertie », exportant du Nickel et important tous les
produits manufacturés, y compris les biens alimentaires de base. Il n’y a quasiment aucune
industrie de substitution d’importation ni dans l’agro-alimentaire, ni dans les activités
artisanales, et quasiment aucune industrie d’exportation de produits manufacturés. De fait
lorsqu’on analyse le système productif calédonien en termes de filières, et non pas de
secteurs, le poids des activités liées à l’extraction du Nickel apparaît écrasant.
L’économie néo-calédonienne pourrait être aussi définie comme une économie rentière
originale cumulant une rente générée par l’exploitation du Nickel et une rente d’origine
publique alimentée par les flux de revenus venant de la Métropole. (Lagadec G. et E.
Farvaque., 2012), (Lagadec G. et C. Ris 2011). Les phénomènes bien connus de « rent
seeking » s’appliquent ici de manière particulière car ils ne conduisent pas à une
hyperthrophie très marquée de structures étatiques bureaucratiques qui génèrent une
corruption massive et qui sont le relais habituel dans d’autres économies rentières pour capter
cette rente. La forte présence de la tutelle de la France conduit plutôt à des phénomènes de
captation de la rente par le biais du lobbying ou de la revendication politique qui peut en
certaines circonstances prendre des formes violentes.
Le cycle de reproduction et d’accumulation du système productif néo-calédonien, dépendant
à la fois de l’exploitation d’une rente minière, d’un secteur public fort, alimenté par la
métropole française et d’un secteur du bâtiment, dont la dynamique de croissance est lié à la
défiscalisation, n’est pas impacté directement, ou en tout état de cause très faiblement à court
terme par les activités de la pêche, du tourisme et de la santé, qui à première vue, seront les
plus touchés par le développement des algues toxiques. Ce dernier aura très peu d’effets aussi
bien du côté de l’exploitation du Nickel qui ne sera pas directement impactée, que du côté des
transferts publics issus de la métropole qui pourraient éventuellement croître davantage en
fonction de l’ampleur des problèmes sanitaires qui pourraient apparaître. C’est bien, selon
nous, ce qui explique aussi le faible intérêt porté par les pouvoirs publics aux risques liés aux
algues toxiques.
En revanche, les impacts sectoriels pourraient conduire à des enchaînements à caractère
systémique (d’ordre économique, social, politique, écologique et culturel), générateurs de
déséquilibres et de cassures sérieuses, notamment si l’invasion algale revêtait un caractère
massif ou perçu comme tel par les populations concernées.
2) Les impacts socio-économiques sectoriels des algues toxiques.
Dans le cas hypothétique « extrême » dans lequel nous nous situons, le développement des
algues toxiques pourrait avoir des répercussions économiques à différents niveaux (Hoagland
and Scatasta, 2006). Celles-ci peuvent être essentiellement répartis sur trois secteurs ou
filières : le tourisme, la pêche et la santé, qui, en se combinant à des facteurs socio-culturels,
produiront des effets systémiques.
a) L’impact sur les aires marines de loisirs et les activités touristiques.
Le tourisme et les activités marines connexes seront bien évidemment impactés négativement
par le développement des algues toxiques (Lewis, 1992), (Hoagland et al., 2002). La valeur
ajoutée de la pêche récréative peut se trouver affectée indirectement par les algues toxiques
par une perception négative liée à l’usage (esthétique, image de contamination, etc.). Le
recensement de la flottille de plaisance avec activité de pêche a identifié plus de 6.000
bateaux actifs (au moins une sortie par an) (Jollit et al., 2010) reflétant ainsi l’importance de
cette activité, souvent peu prise en compte. Le total de la valeur ajoutée24 pour la filière
nautique de plaisance, reliée à la pêche de loisir, est compris entre 2.300 et 3.200 Millions de
F CFP environ en 2008 (Pascal, 2010).
La prolifération des algues toxiques provoquera la diminution de la qualité de
l'environnement côtier (plage, paysage) et de la sécurité de baignade. Ainsi deux principaux
impacts potentiels peuvent être identifiés. Un premier sur les usages touristiques reliés aux
récifs et aux habitats marins et un deuxième sur le tourisme balnéaire relié à l’usage des
plages.
En Nouvelle-Calédonie, les usages touristiques reliés aux récifs sont multiples :
(i) le tourisme sous-marin (plongée, randonnée sous-marines, chasse, photo)
(ii) le tourisme nautique (bateaux taxis, location d’embarcations, observation de baleines, etc.) et
(iii) le nautisme de plaisance.
Pour les touristes sous-marins, à titre d’illustration, nous citerons les principaux attributs environnementaux identifiés (Laurans et al., 2013):
(i) la présence, le nombre et la taille d’espèces emblématiques,
(ii) la couverture en corail vivant,
(iii) la transparence de l’eau,
(iv) la diversité des espèces.
Même si à ces attributs se rajoutent à d’autres phénomènes non environnementaux comme la fréquentation des sites et le prix des prestations et même si certaines études (Arin and Kramer, 2002; Wielgus et al., 2002)
montrent la difficulté de situer l’importance des attributs environnementaux les uns par
rapport aux autres, les algues toxiques auront potentiellement un impact direct sur la
satisfaction des plongeurs et des usagers du tourisme nautique (estimés à 20 000 et 110 000
respectivement en 2008). Ainsi, une partie de la valeur ajoutée générée par ces usages (entre
900 et 1100 M FCFP en 2008) serait potentiellement affectée. Il est important de noter que
cet impact se retrouve aussi bien pour les visiteurs non-résidents que pour les résidents
(estimés à 45 000 ménages usagers des récifs).
Le tourisme, encore relativement peu développé en Nouvelle-Calédonie, si on le compare aux
destinations voisines des Fidji ou de Polynésie, est cependant identifié comme une des filières
qui a un fort potentiel de croissance. Gay J-C 2009), (ISEE, 2009b). En moyenne, 100.000
touristes arrivent sur la Nouvelle-Calédonie par voie aérienne et 180.000 par croisière (ISEE,
2008). Les recettes totales générées localement en Nouvelle-Calédonie par l’activité des
touristes non résidents sont estimées à 18,2 milliards de FCFP (ISEE 2008).
La Nouvelle-Calédonie appartient à deux familles touristiques distinctes: celle des «Archipels
paradisiaques» (destinations insulaires exotiques), et celle des «Grandes Terres» (îles
continents). La qualité des plages, des eaux de baignade et la beauté des paysages sont
essentielles au positionnement touristique de la Nouvelle Calédonie (CCI, 2009). La
présence d'algues toxiques dans le lagon, notamment si elle était amplifiée par une sur
médiatisation, aurait certainement un impact sur la fréquentation touristique. Si celle-ci
s’effondre ou décroît fortement, c’est toute la filière qui sera dégradée, avec un impact négatif
sur les hôtels, les restaurants et toutes les autres activités de loisirs. Ces retombées
économiques seront plus importantes dans les provinces fortement dépendantes des activités
marines (Morgan et al., 2010). Il est estimé que plus de 1500 emplois dépendent de ce
secteur.
Malgré tout, compte-tenu du faible poids économique que représente aujourd’hui le tourisme
dans le PIB de la Nouvelle Calédonie, l’impact des algues toxiques sur l’économie globale
sera limité à court terme. Néanmoins si le tourisme venait à s’effondrer totalement et si cette
île devenait peu attrayante pour les expatriés métropolitains, il pourrait en résulter un effet
systémique à travers la dégradation de l’image paradisiaque de l’île une chute des prix de
l’immobilier qui est la troisième activité économique principale de la Nouvelle Calédonie.
b) L’impact sur la pêche et les habitudes alimentaires.
Une augmentation en fréquence et en intensité des efflorescences algales nuisibles pourrait
avoir des impacts négatifs (directement ou par l'intermédiaire des réseaux trophiques) sur la
consommation, la subsistance et la vente de fruits de la mer, ainsi que sur les activités de la
pêche et de l'aquaculture (HARRNESS, 2005).
Si les poissons sont empoisonnés par des algues toxiques (Ahmed, 1991), les préférences de
consommation de protéines vont changer. Par conséquent, la consommation de protéines
alternatives, notamment les viandes importées, va augmenter. Cela impliquera une perte
directe de la valeur des biens et services marchands marins et une baisse de la consommation
de fruits de mer (Rongo, T. and Robert van Woesik, 2012). On pourrait assister également à
un report de la pêche vers d’autres espèces de poissons, exempts ou peu sensibles à la
ciguatéra (tels que les vivaneaux vivant en eaux profondes ou les grands pélagiques). La
Nouvelle Calédonie pourrait aussi devenir importatrice de poissons surgelés avec les
conséquences que l’on devine en termes de balance commerciale et d’exclusion des
consommateurs aux revenus modestes.
Du fait de la prolifération des algues toxiques, la diminution des ressources exploitables
diminuera les ventes de poisson sur les marchés locaux (Bagnis et al., 1992).
En 2008 , la pêche récifo-lagonaire a représenté 1000 à 1300 t /an (2008) pour une valeur
ajoutée estimée à 2 500 M FCFP (Pascal, 2010). La pêche commerciale professionnelle se
caractérise par une flotte déclarée de 243 navires armés pour la pêche récifo-lagonaire mais
comprend aussi, très minoritairement (de manière officielle) des pêcheurs à pied. 800 à 1000
emplois directs sont liés à cette activité (SMMPM, 2007; Virly, 2002).
Toutes les captures récifo-lagonaires par la flotte commerciale sont distribuées sur le marché
local sauf les trocas (Trochus niloticus) et les bêches de mer (holothuries) qui sont en majeure
partie exportés. Il est estimé que 90% environ de la production commerciale de poissons est
écoulée sur Nouméa aux consommateurs finaux à travers le marché et les ventes aux GMS
(Virly, 2002).(Marty et al., 2005)
De plus, les algues toxiques vont changer les caractéristiques sociales, culturelles et
traditionnelles d'un mode de vie basé sur la pêche de subsistance. Cela aura essentiellement
un impact sur certaines communautés côtières dépendantes de la ressource marine.
En milieu Mélanésien, les populations rurales peuvent être dépendantes de la ressource
terrestre et marine et fonctionnent souvent sous un mode d’économie de subsistance et
communautaire (Gillett and Lightfoot 2001). La population mélanésienne de Nouvelle-
Calédonie présente de son côté des spécificités propres à son développement et est en
transition entre une économie de subsistance et une économie marchande (Tjibaou, 1981).
Les contours entre pêche de subsistance et pêche de loisir deviennent alors diffus25.
Cependant cette activité reste importante, comme en témoignent les indicateurs chiffrés
suivants. Les calculs donnent une consommation vivrière comprise entre 2.300 et 3.300 t/an.
(équivalent à 12 a 30kg/capita/an) et une valeur ajoutée de 2 700 M FCFP (Pascal, 2010).
Dans certaines communes rurales, les captures peuvent représenter entre 5 et 11% du revenu
monétaire total des ménages (ISEE, 2009a).
Les spécificités de cette activité sont importantes:
(i) il s’agit d’une activité difficilement
substituable (faible investissement initial, peu de formation nécessaire),
(ii) elle constitue une source de revenus et d’aliments pour les femmes en tribu (Mermoud, 1997). Le maintien de
la présence des femmes en tribu peut être considéré comme un facteur de cohésion sociale
(Tennant S. 1998) car la pêche représente une source alimentaire stable face à l’incertitude du
futur. De même, les pêches collectives à caractère coutumier et les captures de pêche qui y
sont associées ne sont pas négligeables pour certaines tribus (Bensa and Freyss, 1994) .
Comme la prolifération des algues toxiques aura aussi une incidence sur l'eau douce et
l'aquaculture marine (Shumway, 1990), il en découlera des pertes pour les entreprises
aquacoles et d’importants dommages économiques (HARNESS, 2005), d’où la nécessité
d’une bonne gestion des ressources marines et halieutiques, notamment s’agissant des
crevettes.
La Nouvelle Calédonie dans son ensemble, n’est pas dépendante de sa pêche locale du point
de vue de son alimentation. En revanche, les populations Kanaks et autres communautés
mélanésiennes et polynésiennes qui vivent davantage de la pêche, et qui semblent
aujourd’hui, dans les zones riches en ciguatoxine, s’accommoder de cette situation,
pourraient, en cas de prolifération massive en être plus fortement et plus durablement
affectées sur les plans économique, social et culrurel. Par ailleurs, dans un contexte politique
tendu et incertain, l’augmentation de la pauvreté de ces populations, pourrait se traduire par
des troubles politiques qui pourraient être partiellement surmontés par un accroissement des
subsides, en provenance de l’Etat français, qui joue encore le rôle d’État providence vis-à-vis
de la Nouvelle Calédonie. On perçoit bien ici l’effet systémique d’un impact sectoriel.
c) L’impact sur le secteur de la santé.
Comme il a été vu ci-dessus les algues toxiques provoquent des maladies et accroissent la
mortalité (Backer et al., 2003). Elles rendent les poissons et les coquillages impropres à la
consommation, elles irritent le système respiratoire de l'homme, provoquent des irritations
nasales et oculaires, des éruptions cutanées et polluent l'eau potable (USCOP, 2004).
Ces conséquences néfastes sur la santé des consommateurs (Lewis, 2006) augmenteront les
coûts privés liés à la maladie et les dépenses en matière de santé publique. Dans la mesure où
cette maladie n’a pas un caractère conjoncturel et que ses effets se prolongent durant de
nombreuses années après la contamination (Dickey and Plakas, 2010), (Van Dolah, 2000),
son impact sur les déficits publics et sociaux se fera sentir sur une longue durée. D’autre part,
une croissance abondante de cyanobactéries dans les réservoirs contribue aux problèmes
d'approvisionnement en eau (Backer, 2002). La dégradation de la qualité de l'eau pour la
consommation et des eaux de baignade (rivières, lacs) induiront des coûts de traitement qui
pèseront sur le budget des ménages et de l’Etat.
D’autres coûts supplémentaires peuvent être envisagés du fait de la mise en oeuvre de
programmes d'éducation et de sensibilisation (coûts de la diffusion de ces programmes de
sensibilisation dans les médias) (Scherer et al. 1999). Des études seront également
nécessaires pour identifier les populations sensibles sur la base de caractères physiologiques
(sexe, âge, prédisposition génétique), de facteurs comportementaux (perception des risques),
de statuts socio-économiques et de pratiques culturelles. Enfin, il serait utile de développer
des actions de santé publique, de prévention et de détection pour empêcher ou limiter
l'exposition des populations les plus vulnérables (NCCOS, 2006).
On peut penser cependant que la Nouvelle Calédonie sera en mesure de mieux faire face aux
risques sanitaires dus aux algues toxiques que ses voisins du Pacifique, en raison de ses
infrastructures sanitaires développées, y compris dans les coins les plus reculés de l’île.
d) l’impact culturel et politique.
En dehors des aspects économiques stricto sensu, les algues toxiques présentent un vrai
risque systémique en raison des interactions sociales et culturelles. (Anderson et al., 2000).
Les algues toxiques peuvent ainsi générer des coûts socioculturels26 pour les individus, les
familles, les tribus, les groupes professionnels, les groupes de loisirs et les communautés
géographiques (Bauer, 2006). Par exemple, la contribution des femmes kanakes à
l’alimentation familiale peut leur éviter aujourd’hui de devoir s’employer à l’extérieur pour
générer un revenu sous forme de salaires (Tennant S. 1998). On peut estimer que dans
certaines communautés, le maintien de la femme au sein de la cellule familiale est un facteur
important de cohésion sociale et tribale en raison de leur rôle dans l’éducation des enfants et
dans la transmission des traditions, de la culture, du langage et des valeurs de respect dû aux
anciens (Bensa and Freyss 1994; Tennant S. 1998). Comment concilier cette vision
« traditionnelle », d’ordre culturelle, avec la technologie et les valeurs de la culture
occidentale d’égalité des genres et d’accès des femmes à l’éducation et à l’emploi ?27 En tout
état de cause, il est évident que confrontées à l’impossibilité d’assumer leur fonction
économique et sociale traditionnelle, les femmes kanakes seront contraintes de rechercher un
travail salarié loin de leur domicile. Il pourrait alors s’ensuivre un exode rural associé à une
urbanisation génératrice de problèmes sociaux, eux-mêmes liés à des situations de
paupérisation et de chômage (délinquance, drogue, etc.). Les quartiers « riches » ne seront
pas épargnés, de même que l’ensemble des activités liées au tourisme.
Certes, ces impacts ne peuvent être toujours ou complètement monétisés, mais il est
important de les analyser quantitativement et qualitativement pour pouvoir mettre en oeuvre
des stratégies ou des politiques visant à en limiter les effets de déstructuration sur les
communautés. On se retrouve de nouveau ici face à la dimension systémique qui implique
des recherches interdisciplinaires qui concernent l'anthropologie, la démographie, la
communication, l'éthique, les sciences de l'organisation, la science politique et la sociologie.
Plus généralement, il paraît évident que la représentation de la nature est éminemment
culturelle et on peut penser qu’elle diffère plus ou moins profondément selon les diverses et
nombreuses communautés présentes sur le territoire de la Nouvelle Calédonie. Il serait
intéressant, à ce niveau, de faire des enquêtes sur ce que peut représenter en termes
socioculturel et économique, pour ces différentes populations, une prolifération massive des
algues toxiques. Notamment si elle s’accompagne, comme nous l’avons montré, de risques
sanitaires élevés, associés à une dégradation des conditions de vie. Ces effets seront d’autant
plus dévastateurs et perturbants, qu’ils toucheront de manière non uniforme, les différentes
catégories sociales et ethniques. La déstructuration des familles, l’accroissement des écarts de
revenus entre les tribus du littoral par rapport à celles de l’intérieur, le déclassement et le
blocage de toute possibilité d’ascension sociale ne manqueront pas de remettre en cause le
fragile équilibre interethnique et politique. On mesure alors tout l’intérêt, pour les populations
de Nouvelle Calédonie, d’envisager un cas de figure « extrême », afin de mieux anticiper et
évaluer le caractère systémique d’un risque écotoxicologique tel que celui des algues toxiques.
En guise de conclusion…
Vers un élargissement de la question du mode de gestion et de gouvernance d’un risque
environnemental à partir de la notion de « bien public mondial » et de «rationalité
collective»
La notion de « bien public mondial » permet de transposer au niveau international le concept
bien connu en économie de bien public pour envisager des mécanismes d’action et de
régulation supranationaux. A l’idée de défaillance du marché qui s’attache en général à la
notion de bien public du fait de la non révélation rationnelle des préférences des agents pour
sa production et au comportement de passager clandestin qui en découle, on rajoute ici l’idée
que les Etats nationaux eux-mêmes peuvent être défaillants dans la protection de la nature. Ils
sont alors incités à se comporter en passagers clandestins, espérant profiter sans bourse délier
du financement par d’autres Etats des actions de protection d’un capital naturel commun à
tous. D’où la notion de « biens publics mondiaux » (BPM)
Les différentes analyses qui établissent selon différents critères des typologies des BPM
mentionnent le réchauffement climatique, la recherche fondamentale, la lutte contre la
propagation de maladies, la stabilité financière ou la lutte contre la pauvreté (I. Kaul et al.,
(1999). Stiglitz mentionne quant à lui le climat, l’eau, l’air, la biodiversité, la sécurité
internationale, la connaissance, mais aussi la stabilisation économique, financière ou
monétaire internationale.
Cependant dès lors qu’il n’existe pas de gouvernement centralisé de la planète susceptible de
contraindre tous les Etats à contribuer au financement d’un BPM, on est renvoyé en dehors
du champ de la science économique proprement dite, à des analyses géopolitiques qui traitent
des rapports entre Etats en termes de conflits ou de coopération, d’hégémonie, d’économie
politique internationale, de «social choice» à l’échelle planétaire, de droit public
international »
S’agissant par exemple des algues toxiques en Nouvelle Calédonie, dont la pollution touche
une vaste zone géographique, on pourrait s’interroger sur les stratégies nationales et
internationales (à travers les organisations internationales et les ONG très puissantes dans le
domaine de l’écologie) qui pourraient se développer pour négocier le partage du financement
des mesures destinées à freiner leur prolifération, ou encore pour bénéficier de
dédommagements conséquents pour les dégâts subis. Il y aurait à ce niveau un champ de
recherche intéressant du point de vue de la problématique du développement durable.
Certains auteurs, bien que conscients du caractère flou et parfois idéologique du concept de
BPM, admettent cependant qu’il peut redonner du sens au débat collectif sur les questions
environnementales (Constantin 2002) et ré-légitimer l’aide publique au développement
autrement que par l’éthique et la solidarité (Gabas J-J et P. Hugon, 2001), tout en permettant
de faire pression sur les décideurs politiques, tant au niveau des gouvernements nationaux
qu’au niveau des organisations internationales qui pourraient tirer avantage de ces pressions
pour s’imposer davantage comme des acteurs transnationaux de la gestion écologique de la
planète.
D’autres risques majeurs peuvent laisser penser que celui lié aux algues toxiques, pour
l’instant relativement contenu, ne revêt pas un caractère particulièrement urgent. En effet,
comme c’est le cas de nombreuses zones côtières, la production primaire des lagons
calédoniens subit de multiples stress environnementaux, principalement d’origine
anthropique, liés au développement de la presqu’ile de Nouméa ou aux activités minières
(Labrosse et al, 2000). A cela viennent régulièrement s’ajouter des catastrophes naturelles
telles que les tempêtes tropicales ou les cyclones, provoquant un apport d’eau douce et de
sédiments terrestres dans les lagons et la destruction des récifs coralliens.
Il nous apparaît malgré tout que le risque lié à la prolifération des algues toxiques mérite d’en
analyser les impacts déjà avérés et potentiels dans un futur plus ou moins proche.
Les décideurs et les régulateurs quels qu’ils soient (États-nations ou organisations
internationales) doivent être conscients des conséquences socio-économiques de la
prolifération des algues toxiques (GESAMP, 2001). Les coûts économiques des dommages à
l'environnement côtier, différenciés selon les sous-espaces et les espèces concernés, peuvent
être évalués avec plus ou moins de difficultés ; qu’il s’agisse des activités récréatives et de
tourisme (Lipton, 1999), de l’alimentation en fruits de mer, des activités de la pêche et de
l'aquaculture (nutrition et sécurité alimentaire) ou de la santé humaine (sécurité alimentaire et
eau potable) (Judd et al., 2005). Les coûts socioculturels qui ont un caractère systémique sont
quant à eux beaucoup plus difficiles à évaluer en termes monétaires, mais ils doivent
cependant être pris en considération, afin de pouvoir mettre en oeuvre une stratégie efficace
de développement durable et des politiques de gestion de l'environnement, socialement et
culturellement acceptables.
1 Université Nice-Sophia Antipolis, MSHSE et GREDEG (UMR CNRS),
2 Centre Scientifique de Monaco / IAEA-Environment Laboratories, Radioecology Laboratory, MC-98000, Principality of Monaco
3 Université Nice-Sophia Antipolis, MSHSE
4 Laboratoire d'Excellence « CORAIL » USR 3278 CNRS-EPHE, Centre de Recherche Insulaire et Observatoire de l'Environnement (CRIOBE), BP 1013, 98729 Moorea, French Polynesia.
5 IAEA-Environment Laboratories, Radioecology Laboratory, MC-98000 Principality of Monaco
6 L'effet papillon est liée à la « théorie du chaos » en physique théorique. Une très forte variation d’une variable est due à une modification très faible en valeur relative d'une autre variable mathématique. D’où l’image métaphorique qu’un battement d’aile de papillon ici, peut provoquer un cyclone à l’autre bout de la planète. Dans le cas de phénomènes sociaux, on veut souligner par cette métaphore la complexité des interactions systémiques et la possibilité, à partir de phénomènes locaux, mineurs en apparence, de réactions en chaines qui dégénèrent en catastrophe majeure globale.
7 C’est ainsi qu’en Italie, sept scientifiques membres de la commission gouvernementale «grands risques» au moment du séisme meurtrier de L'Aquila ont été condamnés à six ans de prison en première instance par le tribunal pénal du chef-lieu des Abruzzes. Le juge unique du tribunal chargé du dossier, aggrava le réquisitoire du procureur général qui avait demandé quatre ans de prison pour «homicides par imprudence, désastre et lésions graves». Il reprocha aux sept scientifiques de n'avoir pas prévu le tremblement de terre ni prévenu les populations et les autorités locales de son imminence, lors d'une réunion qu'ils avaient tenue à L'Aquila le 31 mars 2009, six jours avant la catastrophe.
8 A condition, bien évidemment, que ces prévisions et évaluations soient fondées sur des arguments scientifiques qui restent dans le domaine d’un probable possible et non pas dans la science fiction.
9 Sur toutes ces questions concernant la Nouvelle Calédonie, cf. les travaux de recherche menés dans le cadre de l’IRD et des équipes de recherche de l’Université de Nouvelle Calédonie (UNC)
10 La démarche systémique consiste à appréhender et analyser, selon une approche interdisciplinaire, les phénomènes dans leur globalité et leur intégralité par la mise en évidence de corrélations complexes.
11 Concernant l’état des connaissances à propos des micro-algues toxiques et leurs impacts sur la santé humaine et sur les organismes marins, voir le chapitre premier de la thèse de Hansy Haberkorn « Impact du dinoflagellé toxique, Alexandrium minutum, sur l'huître creuse, Crassostrea gigas : approche intégrative» (28 avril 2011). http://tel.archives-ouvertes.fr/docs/00/58/93/42/PDF/These_Hansy_Haberkorn.pdf Voir également Dupuy C et les travaux de l’équipe DYFEA (DYnamique Fonctionnelle des Ecosystèmes côtiers Anthropisés) de l’UMR 7266 LIENSs (LIttoral ENvironnement et Sociétés)
12 Cf. Harris J.M (2000) “Basic Principles of sustainable Development” Global Development and Environment Institut, Working Paper OO-04.
13 Diagramme du développement durable : une approche globale à la confluence de trois préoccupations, dites « les trois piliers du développement durable ».
14 http://www.ulb.ac.be/ceese/STAFF/Tom/bossel.pdf. Le groupe de Balaton est un réseau international (global) de collaboration sur les systèmes et la soutenabilité.
15 Rapport Meadows, 1970 « Les limites à la croissance ». Il s’agit d'un rapport (demandé à une équipe du Massachusetts Institute of Technology par le Club de Rome) qui souligne les dangers écologiques de la croissance économique et démographique.
16 Ce point de vue se trouve davantage en adéquation avec les valeurs ancestrales des populations autochtones, comme celles des Kanaks de Nouvelle Calédonie, pour qui l’homme est complémentaire de la nature (du « capital naturel » ?) et ne saurait la détruire sans se détruire lui-même. Ces valeurs conduisent par exemple ces populations qui vivent dans la ‘brousse”, au coeur des forêts, à se satisfaire d’une économie de cueillette, suscitant ainsi l’incompréhension, si ce n’est la réprobation, des catégories sociales occidentalisées. Celles-ci auraient préféré que soient mises en oeuvre des méthodes intensives de production et d’exploitation agricole capables d’abonder les marchés urbains en fruits et légumes. Dans leur esprit, cela aurait aussi contribué à élever le « niveau de vie » des populations Kanaks pour les sortir d’une situation de pauvreté absolue, mesurée en termes de revenus monétaires, ce qui n’a évidemment aucun sens du point de vue de la culture kanak.
17 Inspiré par l’école de Chicago (Milton Friedman), les économistes de la Banque Mondiale et du FMI ont élaboré un modèle intégré qui fournit des solutions toutes faites aux economies en développement endettées. Ce “prêt à porter” en matière de politique économique est basé sur la libéralisation de l’économie à tous les niveaux, le désengagement de l’Etat et une stricte orthodoxie budgétaire.
18 Cf. les travaux du “Laboratoire Insulaire du Vivant et de l’Environnement » (LIVE – EA 4243), Université de Nouvelle Calédonie.
19 On trouve en Nouvelle Calédonie, d’importantes réserves de nickel, dont l’exploitation intensive constitue la première activité économique de l’île. Cela n’est pas sans conséquences écologiques sur la forêt tropicale, le maquis minier, les écosystèmes marins lagonaires, et la pollution atmosphérique. Selon WWF et «Conservation international», «…dans les prochaines années, la Nouvelle Calédonie va augmenter ses émissions de CO2 à 36,8 tonnes par habitant et par an, soit une hausse de plus de 165% en moins de dix ans. ». Cela est dû à la montée en puissance de l’industrie du Nickel dont les usines sont alimentées par des centrales au charbon.
20 La pression halieutique est une des plus faibles du monde pour un milieu corallien, mais on assiste aujourd’hui à une augmentation de la pêche récréative dans les eaux proches de Nouméa.
21 Sur les îles ganmbiers d’où le nom de la dinoflagellée porteuse de cette toxine gambierdiscus toxicus
22 Laurent D., Bourdy G., Amade P., Cabalion P., Bourret D. – 1993 - "La gratte" ou ciguatéra et ses remèdes traditionnels dans le Pacifique Sud. Editions de l'ORSTOM, collection Didactiques, Paris. 135 p.
23 Cf. Wasmer E et D. Quentin (2012), “Rapport sur la situation économique de la Nouvelle Calédonie” ainsi que les travaux du LARGE (http://larje.univ-nc.nc.) et de l’ERIM, équipes de recherche de l’Université de Nouvelle Calédonie.
24 La valeur ajoutée est la différence entre la valeur du produit final et la valeur des consommations intermédiaires. Elle concerne et englobe ici, celle des captures et celle de la filière de l’industrie nautique.
25 Mis à part les deux extrêmes entre une pêche à but alimentaire comme source importante nutritive et une pêche 100% de loisir (quasiment non dépendantes des captures), il existe différents niveaux intermédiaires rendant souvent difficile la distinction entre les deux types de pêche.
26 Le terme «Socioculturel» englobe les connaissances, les croyances, les normes, les valeurs et les coutumes qui reflètent la culture et le patrimoine d'un groupe.
27 Cf. Les travaux du Centre des Nouvelles Etudes sur le Pacifique (CNEP - EA n°4242), Université de Nouvelle-Calédonie.
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